Nos routes sont catastrophiques, nous le savons. Il est fréquent qu’un automobiliste subisse d’importants dégâts à son véhicule : pneu éclatant dans un trou, perte du contrôle d’un véhicule…etc

La responsabilité de l’Etat peut-elle être mise en oeuvre ? OUI

L’article 135 de la loi communale

Les autorités publiques et spécialement les autorités communales ont l’obligation de n’établir et de n’ouvrir à la circulation que des voies suffisamment sûres ; que hormis le cas d’une cause étrangère qui ne peut leur être imputée et les empêche de remplir l’obligation de sécurité qui leur incombe, ils doivent, par des mesures appropriées, remédier à tout danger anormal, que ce danger soit apparent ou pas.

Toute commune est tenue d’éviter tout danger anormal par la prise de mesures adéquates. La commune est responsable, le danger fût-il caché ou visible, même si la victime a connaissance de la situation locale.

En ne respectant pas cette obligation de sécurité, la commune trompe la légitime confiance des usagers et commet ainsi une faute.

Selon une certaine jurisprudence, la connaissance éventuelle que la personne lésée avait de cette situation même lorsque celle-ci était de notoriété publique est irrelevante.

Quant à, la charge de la preuve, lorsque la victime démontre l’existence d’un danger anormal sur une voirie de la commune, il y a en principe lieu d’admettre, sauf preuve contraire, que l’autorité communale devait connaître la situation dangereuse et que des mesures étaient exigées afin d’y remédier.

Il appartiendra alors à l’autorité communale de démontrer, afin d’éviter d’être déclarée responsable, qu’elle ne connaissait pas et ne devait pas connaître la situation dangereuse ou qu’elle était, en raison des circonstances de temps, dans l’impossibilité de prendre les mesures nécessaires pour remédier au danger anormal.

Article 1384

Pour mémoire, l’article 1384 du Code civil nécessite la réunion de quatre conditions :

  • Une chose viciée,
  • Un gardien de la chose viciée,
  • Un dommage dont est victime un tiers,
  • Un lien causal entre le dommage causé et la chose viciée.

Le gardien a l’obligation d’entretenir et de réparer la chose (en l’espèce la chaussée), l’ignorance même invincible ne l’exonérant pas de ses obligations de gardien de cette chose et de la responsabilité qui lui incombe du chef du dommage causé par la chose.

Le gardien de la chose affectée d’un vice ne pourra se soustraire à sa responsabilité en démontrant que le vice trouve son origine dans le fait d’un tiers, dans un cas fortuit ou dans un cas de force majeure.

En ce qui concerne l’article 1384, le fait que le gardien de la voirie ignore l’existence du vice sera donc sans effet. Par contre si la victime avait connaissance du vice, elle trouvera plus facilement refuge dans l’article 135.

Cas particulier : le verglas

Un piéton circule sur un trottoir enneigé et chute.  La croyance populaire accrédite la thèse d’une responsabilité automatique du propriétaire (ou plus exactement du gardien) du trottoir. Est-ce exact ?

Qu’en est-il en cas d’accident causé par une plaque de verglas ?

La jurisprudence varie.

Tantôt, la présence d’un verglas généralisé sur tout le pays ne peut être considérée comme un cas de force majeure exclusif de toute responsabilité dans le chef du conducteur qui avait au contraire à tenir compte des risques de dérapage inhérents à toute manœuvre que la conduite impose sur un sol verglacé.  Le dérapage et la perte de contrôle du véhicule sont constitutifs de faute (infraction à l’article 8.3o du Code de la route) lorsque, comme en l’espèce, le verglas était généralisé et parfaitement prévisible. La présence de verglas sur l’ensemble du réseau routier ainsi que dans l’entrée d’un parking ne constitue pas un vice de la chose, mais bien la conséquence d’un phénomène naturel que le conducteur avait eu largement l’occasion de constater.

De même, la présence de neige sur la route, en période hivernale, dans les régions climatiques exposées, résulte d’un phénomène naturel, tout à fait normal.  Il ne peut être reproché aux pouvoirs publics de n’avoir pas placé de signalisation spécifique, dès lors qu’en l’espèce il est question de neige, parfaitement visible, tombant sur la chaussée, et non d’un verglas qui, s’il avait été habituel à cet endroit, aurait pu justifier une signalisation particulière, de nature à éviter de tromper les prévisions des usagers.

On ne peut raisonnablement exiger que l’épandage soit instantanément effectué sur l’ensemble du réseau routier alors même que la neige commence seulement à tomber. Il est évident que les usagers ne peuvent exiger des pouvoirs publics qu’ils fassent instantanément procéder par leurs services au sablage de l’ensemble du réseau routier chaque fois que les conditions atmosphériques sont propices à la formation de verglas

L’imprudence dont la victime a fait preuve en présence d’un danger parfaitement signalé et, de surcroît prévisible, suffit à rompre tout lien causal entre le vice de la chose et le dommage.

Pour d’autres, en ne salant pas à temps une route importante, alors qu’elle avait connaissance à temps du danger de verglas, l’administration commet une faute en trompant la confiance des usagers. Les conducteurs pouvaient croire que la route serait libre de verglas au moment de l’accident et ne commirent pas eux-mêmes une faute car ils furent surpris par la confrontation soudaine avec du verglas à un endroit où aucun sel ne fut versé.

La voirie est affectée d’un vice au sens de l’article 1384, du Code civil par la présence d’une plaque de verglas très localisée sur la chaussée.

Ainsi qu’on peut le lire, la jurisprudence est divisée t largement fonction des circonstances, de l’inertie de la Commune, de la durée pendant laquelle la situation a persisté, de l’imprudence éventuelle du conducteur.

La question est intéressante également quant à l’intervention du Fonds Commun de Garantie.

Le cas fortuit n’entraîne une intervention du Fonds que lorsque l’accident est causé par un véhicule dont la responsabilité du conducteur est exonérée par suite d’un cas fortuit ou alors en réparation des dommages causés par un véhicule automoteur lorsque la réparation est due par une entreprise d’assurance autorisée à exercer l’assurance RC automobile en Belgique qui est en faillite ou en défaut d’exécuter ses obligations après révocation ou renonciation à l’agrément.

L’intervention du Fonds avait été admise au profit d’un conducteur qui glisse sur le verglas alors qu’aucune entreprise d’assurances n’aurait été apparemment tenue à la réparation du dommage dès lors qu’aucun autre véhicule n’était impliqué .

Cette intervention doit être approuvée dès lors qu’il était considéré par le juge saisi que la chaussée présentait un vice qui pouvait entraîner la responsabilité de l’autorité publique, soit sur base de 1384, soit en raison de l’obligation de sécurité leur incombant.

Il importe de souligner que  si le Fonds commun de garantie automobile a indemnisé la victime sur base de l’article 1384 il faut rappeler que: « la présomption de responsabilité instituée par l’article 1384, alinéa 1 er, du Code civil, est inspirée par le souci d’assurer une protection plus efficace aux victimes des dommages causés par le fait des choses que l’on a sous sa garde; qu’elle n’existe qu’en faveur des personnes directement victimes du dommage et ne peut être invoquée que par elles » .

En d’autres termes, le Fonds Commun de Garantie ne pourrait introduire une action subrogatoire contre le gardien de la Chausée.

Le lecteur l’aura compris, la jurisprudence est aussi peu lisse que la chaussée !

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