Lorsque dans le cadre d’un accident de la circulation, il n’est pas possible de départager les responsabilités, en raison, par exemple, du caractère contradictoire des versions des conducteurs et de l’absence de témoin, que se passe-t-il ?

Traditionnellement, sur base de principes ci-après expliqués, aucun assureur n’intervenait, chaque partie devant supporter son propre dommage.  Un arrêt de la Cour Constitutionnelle vient bouleverser ces principes en matière de roulage et conduit à l’indemnisation des deux parties .

L’article 3 de la loi du 21.11.1989  prévoit que L’assurance doit garantir l’indemnisation des personnes lésées chaque fois qu’est engagée la responsabilité civile du propriétaire, de tout détenteur et de tout conducteur du véhicule assuré, de toute personne transportée et de l’employeur des personnes précitées lorsque celles-ci sont exonérées de toute responsabilité en vertu de l’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, à l’exclusion de la responsabilité civile de ceux qui se seraient rendus maîtres du véhicule par vol ou violence ou par suite de recel.

Pour engager la responsabilité civile d’un conducteur, il est nécessaire de démontrer que celui-ci a commis une faute qui a causé un dommage dont il doit réparation.

Quel sort réserver aux victimes lorsque les responsabilités ne pouvaient être établies.

L’arrêt 96/2000 de la Cour d’Arbitrage du 20 septembre 2000 avait exclu l’intervention du fonds commun au titre de cas fortuit lorsque, en cas d’accident impliquant plusieurs véhicules, leur responsabilité ne peut être établie en telle sorte que les personnes blessées ne peuvent être indemnisées.

La Cour avait cependant conclu à une discrimination des  victimes au regard de l’intervention du  fonds commun en cas de non-identification du véhicule.

 

La loi du 22.8.2002 portant diverses dispositions relatives à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs a alors prévu une répartition par parts égales de l’indemnisation des  personnes lésées entre tous les véhicules impliqués dans un accident, même si l’on ne peut déterminer lequel (s) des véhicules l’a (ont) véritablement causé.

Le libellé de l’article 19 Art. 19bis-11 §2 tel qu’inséré par la loi du 21.8.200 est le suivant :

Si plusieurs véhicules sont impliqués dans l’accident et s’il n’est pas possible de déterminer lequel de ceux-ci a causé l’accident, l’indemnisation de la personne lésée est répartie, par parts égales, entre les assureurs couvrant la responsabilité civile des conducteurs de ces véhicules, à l’exception de ceux dont la responsabilité n’est indubitablement pas engagée.

Des divergences de vues portaient sur la signification du mot “plusieurs”. Les assureurs considéraient que cela nécessitait l’implication de plus de deux véhicules.

La Cour Constitutionnelle l’interpréta en ce sens que son application requiert que l’accident implique deux véhicules ou plus. Dans la version néerlandaise de cette disposition, le mot « verscheidene » peut en effet signifier « plus d’un », ce que confirme l’emploi du  terme « plusieurs » dans la version française.

La Cour dite donc pour droit que :

  • Interprété en ce sens qu’il ne peut s’appliquer lorsque deux véhicules seulement sont impliqués dans un accident, l’article 19bis-11, § 2, de la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, combiné ou non avec l’article 4, § 1er, alinéa 2, de cette loi, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
  • Interprété en ce sens qu’il s’applique lorsque deux véhicules ou plus sont impliqués dans un accident, l’article 19bis-11, § 2, de la loi précitée du 21 novembre 1989, combiné ou non  avec l’article 4, § 1er, alinéa 2, de cette loi, ne viole pas les articles 10  et  11  de la Constitution.

En résumé, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 22.8.2002, soit le 19.1.2003, les assureurs des parties impliquées dans un accident de circulation dont il ne sera pas possible de définir les responsabilités devront indemniser par parts égales les conducteurs.

Gageons que de nombreux dossiers vont connaître une résurrection, une nouvelle demande fondée sur une autre motivation légale pouvant être parfaitement introduite.

Une nouvelle procédure n’est irrecevable qu’à la condition, d’une triple identité de parties, d’objet et de cause. La notion d’identité de cause renvoie ici aux « mêmes faits appréciés en fonction de la norme juridique mise en œuvre par le juge précédent » . L’identité doit donc porter non seulement sur les faits, mais également sur les normes juridiques appliquées.

En l’espèce, si l’objet de l’action demeure identique (récupération d’un dommage) l’action n’est plus fondée sur une notion de responsabilité, mais sur une obligation légale tirée de l’article 19bis-11, § 2, de la loi du 21 novembre 1989.

La question de la prescription de cette action fera sans doute couler beaucoup d’encre. Posons, déjà, qu’à l’instar de ce qui a été tranché pour l’article 29 bis, l’article 34 de la loi du 25 juin 1992 sera applicable à l’action fondée sur l’article 19bis-11.

Selon l’arrêt de la Cour de Cassation du 21.5.2010, l’article 34§2 qui dispose que “Sous réserve de dispositions légales particulières, l’action résultant du droit propre que la personne lésée possède contre l’assureur en vertu de l’article 86 se prescrit par cinq ans”

L’action demeurerait donc ouverte pendant 5 ans.

Notons toutefois que cette jurisprudence se fonde, notamment, sur le renvoi aux règles de l’assurance de la responsabilité en général qui figure in fine de l’article 29bis : Cette obligation d’indemnisation est exécutée conformément aux dispositions légales relatives à l’assurance de la responsabilité en général et à l’assurance de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs en particulier, pour autant que le présent article n’y déroge pas.

 

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