Déchéance ou exclusion ? le tribunal requalifie

L’assureur peut prévoir que certains risques sont exclus du contrat ou que le preneur est déchu de son droit à la prestation. La loi oblige, dans les deux cas, l’assureur a définir ces cas d’exclusion avec précision.

Les assureurs tentent souvent de déguiser des cas de déchéance en cause d’exclusion. Pourquoi ? comment contrer cette pratique.

La différence essentielle entre l’exclusion et la déchéance réside dans le fait que, dans la seconde hypothèse, l’assureur doit prouver que le manquement qu’il reproche au preneur est en relation causal avec le sinistre.

Ainsi, un assureur avait-il prévu que l’assurance couvrant un véhicule « exclut […] du risque du vol couvert les événements suivants : le vol ou la tentative de vol si les précautions indispensables ont été
négligées, notamment : (…) clé permettant la mise en marche du moteur restée dans ou sur le véhicule

L’assureur articulait qu’il s’agit d’une clause d’exclusion ; qu’il n’est pas contesté qu’une clé était restée dans le coffre du véhicule et qu’ « il ne lui
appartient pas d’établir un lien quelconque de causalité entre le fait du vol et la présence de ladite clé »

La Cour d’appel considéra, à tort que l’assuré “ne conteste pas que le double de ses clés se trouvait dans la valise laissée dans le coffre de sa voiture. Il n’y a pas lieu d’examiner si cette circonstance est en relation causale avec le sinistre dès lors que la clause litigieuse constitue une clause d’exclusion et non de déchéance.
Elle exclut clairement la garantie dès le moment où une clé permettant la
mise en marche du moteur est à l’intérieur du véhicule, peu importe qu’elle soit visible ou non.
Il n’est pas déraisonnable d’imposer au preneur de prendre des précautions
particulières afin d’éviter la commission d’un vol mais également l’utilisation ou la revente aisée du véhicule volé. ”

La Cour de Cassation dans un arrêt du 20.9.2012 cassa cette décision en faisant droit aux motifs que :

En vertu du caractère impératif de cette disposition, consacré par l’article 3
de la loi du 25 juin 1992, il appartient au juge de vérifier si une clause du contrat d’assurance présentée sous une autre qualification ne constitue pas une clause de déchéance.

La clause qui permet à l’assureur de refuser sa garantie en raison de
l’inexécution par l’assuré de ses obligations conventionnelles constitue une clause de déchéance au sens de l’article 11 précité

L’arrêt constate que l’article 2.2 des conditions générales du contrat
d’assurance conclu par les parties prévoit que « la compagnie n’assure pas le vol ou la tentative de vol si les précautions indispensables ont été négligées, notamment :(…) clé permettant la mise en marche du moteur restée dans ou sur le véhicule »
L’arrêt, qui considère que « [cette] clause constitue une clause d’exclusion
et non de déchéance » et qu’ « il n’y a pas lieu d’examiner si [la] circonstance, [non déniée, que le double des clefs de la demanderesse se trouvait dans le coffre de sa voiture] est en relation causale avec le sinistre », viole l’article 11 précité.

C’est à bon droit que la Cour de Cassation requalifie la clause d’exclusion en clause de déchéance et impose à l’assureur de démontrer l’existence d’un lien causal entre le manquement reproché et le sinistre.

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