Il arrive qu’un Directeur d’agence abuse de ses fonctions et se livre, dans le cadre de celles-ci à des escroqueries pouvant occasionner un dommage à la clientèle. La Banque est-elle responsable ? Qu’en est-il de l’attitude du client connaissant les fautes de ce Directeur ? Un arrêt de la Cour de Cassation du 21.3.2013 livre une analyse intéressante.

Monsieur X était directeur d’une agence; des documents à l’en-tête de la banque avaient été établis par lui ; les opérations, que ce soit le placement des fonds ou des retraits en liquide, ont eu lieu dans son agence bancaire durant les heures d’ouverture.

Les clients n’avaient pas réagi, alors même que de manière anormale des placements avaient été effectués sur un compte à terme, dont le numéro n’est pas communiqué aux clients, sans qu’aucun extrait de compte ne soit émis, ni lors des placements, ni lors du calcul des intérêts.

En outre, les taux offerts, de plus de 10 p.c. l’an, étaient anormalement élevés, excédant largement les taux pratiqués à l’époque pour des comptes à terme.

Les clients qui avaient placé leur argent (et en définitive ne l’avait pas récupéré) mettaient en cause la responsabilité de la Banque qui soutenait que c’est de manière invraisemblable que les clients soutiennent qu’ils ont, de bonne foi, cru placer leurs économies auprès de la banque.

La Cour de Cassation a, alors, eu l’occasion de se pencher sur la controverse portant sur l’incidence de la connaissance par la victime du fait que le préposé abusait de ses fonctions.

La Cour dit pour droit que :

En vertu de l’article 1384, alinéa 3, du Code civil, les maîtres et commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.

L’acte illicite, fût-il intentionnel, doit certes rentrer dans les fonctions du préposé ; il suffit toutefois que cet acte ait été accompli pendant le temps de la fonction et qu’il soit, même indirectement et occasionnellement, en relation avec celle-ci ; si cet acte résulte d’un abus de fonctions, le commettant n’est exonéré de sa responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions.

Lorsque l’acte illicite résulte d’un abus de fonctions, est accompli pendant le temps de la fonction et est, même indirectement et occasionnellement, en relation avec celle-ci, le commettant doit, dès lors, répondre civilement de la faute de son préposé.

La faute de la personne lésée, consistant en ce qu’elle savait ou devait savoir que le préposé abusait de sa fonction, ne suffit pas à exclure la responsabilité du commettant.

Il ressortait de l’arrêt contre lequel le pourvoi avait été déposé que les actes illicites commis par Directeur n’avaient pas été accomplis en dehors de sa fonction et, d’autre part, que les clients savaient que ces actes illicites étaient le résultat d’un abus de fonctions de ce préposé accompli pendant le temps de ses fonctions et en relation, fût-ce indirectement et occasionnellement, avec celles-ci.

La Cour considéra néanmoins que l’arrêt, qui, considérait que « le recours contre le commettant ne peut être exercé que par les victimes de bonne foi, ce qui suppose que leur erreur sur l’étendue des pouvoirs du préposé avec lequel elles ont traité soit légitime », et que « l’article 1384, alinéa 3, du Code civil […] ne se justifie qu’à l’égard des tiers de bonne foi », décide que « [la] demande [des demandeurs] ne peut dès lors être accueillie sur pied de l’article 1384, alinéa 3, du Code civil, à défaut d’erreur légitime dans leur chef quant à l’étendue des pouvoirs de ce préposé », viole cette disposition légale.

En d’autres termes, même le client qui avait connaissance de ce que le Directeur abusait de ses fonctions était protégé par l’article 1384 et la Banque était responsable à son égard.

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