Comme n’importe qui, un organisme assureur peut commettre une faute et payer indûment à leur affilié des prestations qui n’étaient pas dues. La Cour Constitutionnelle du 30/10/2012 vient de déclarer inconstitutionnelle la disposition qui permettait aux Caisses d’Assurances Sociales de récupérer cet indu.

Une Mutualité mettait en demeure Monsieur X de lui rembourser une somme d’environ 7.500 euros correspondant à des indemnités d’incapacité de travail qui lui avaient été indûment payées

M. X introduit auprès du même tribunal un recours contre la mise en demeure

En degré d’Appel la cour du travail de Liège observe que le paiement indu ne s’explique que par une erreur de la mutualité et que M. X n’a commis aucune faute ou négligence à ce sujet.

Elle décide ensuite de poser à la Cour une question préjudicielle.

L’article 174 de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités tel que complété par la loi du 19.12.2008 dispose que l’action en récupération de la valeur des prestations indûment octroyées à charge de l’assurance indemnités se prescrit par un an, en cas de paiement indu résultant d’une erreur de droit ou d’une erreur matérielle de l’organisme assureur et lorsque l’assuré erronément crédité ne savait pas ou ne devait pas savoir qu’il n’avait pas ou plus droit, en tout ou en partie, à la prestation versée.

En revanche, l’article 17 de la loi du 11 avril 1995 « visant à instituer “la charte” de l’assuré social », prévoit que lorsqu’il est constaté que la décision est entachée d’une erreur de droit ou matérielle, l’institution de sécurité sociale prend d’initiative une nouvelle décision produisant ses effets en cas d’erreur due à l’institution de sécurité sociale, le premier jour du mois qui suit la notification, si le droit à la prestation est inférieur à celui reconnu initialement.

Comme le rappelle la Cour Constitutionnelle, “selon la Cour européenne des droits de l’homme, un contrôle plus strict de proportionnalité doit être appliqué lorsque la disposition en cause vise à réparer, au détriment d’un individu, une erreur commise par les autorités elles-mêmes, sans qu’aucune faute ne puisse être reprochée à la personne dont les droits sont affectés par cette disposition (Cour eur. D.H., Moskal c. Pologne, 15 septembre 2009, paragraphe 73).

L’article 174, tel que modifié, qui permet la récupération des sommes indûment payées en revenant rétroactivement un an en arrière institue une réglementation applicable à un secteur de la sécurité sociale moins favorable à l’assuré social que celle qui figure de manière générale dans cette disposition et crée une différence de traitement entre les assurés sociaux qui ne peut être jugée compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution que s’il existe pour ce faire une justification spécifique pertinente.

La complexité de la gestion administrative qui incombe aux organismes assureurs ne saurait justifier que le bénéficiaire de prestations indues, qui les a perçues en conséquence d’une erreur commise par l’organisme assureur débiteur alors qu’il ne pouvait s’en rendre compte, soit tenu au remboursement des sommes qu’il a perçues indûment durant un an, alors que les bénéficiaires d’autres allocations sociales perçues indûment dans les mêmes circonstances ne sont pas tenus de les rembourser.

Les indemnités d’incapacité de travail sont un revenu de remplacement qui est payé chaque mois, de sorte qu’elles constituent dans la majorité des cas l’essentiel du budget mensuel de l’assuré social qui en est créancier.

Permettre durant une année entière la récupération de sommes payées ensuite d’une erreur de l’institution débitrice aurait dès lors des conséquences disproportionnées pour la plupart des assurés sociaux se trouvant dans cette situation et à qui il ne peut être reproché aucune faute ou négligence.

La circonstance que, dans le secteur de l’assurance soins de santé et indemnités, la majorité des décisions sont prises par des organismes privés collaborant à la sécurité sociale, à savoir les mutualités, ne peut pas non plus justifier un traitement inégal. Le fait que les décisions prises doivent ensuite être contrôlées par l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI) et que ce contrôle ne peut matériellement s’opérer dans le délai de trois mois, c’est-à-dire la période durant laquelle un recours peut être introduit devant le tribunal du travail et durant laquelle l’institution peut revoir sa décision, ne peut pas non plus justifier cette différence de traitement. En effet, l’organisation des institutions privées et publiques intervenant dans ce secteur particulier de la sécurité sociale ainsi que la complexité et les lenteurs du traitement des dossiers qui en découlent ne peuvent constituer une justification raisonnable pour le fait de mettre à charge des assurés sociaux les conséquences financières d’une erreur commise par une institution.

Certes, l’interdiction de récupérer auprès de l’assuré social les prestations qu’il a indûment perçues aboutit, en l’état actuel de la législation, à faire peser sur l’INAMI les conséquences financières d’une erreur qui est imputable aux organismes assureurs (voy. à ce propos Cass., 22 décembre 2008, Pas., 2008, n° 749).

Il appartient toutefois au législateur et au Roi de modifier, le cas échéant, la réglementation pertinente afin de faire peser, totalement ou partiellement, les conséquences financières d’une telle erreur sur les organismes assureurs, responsables du versement indu des prestations à l’assuré social, ou de modifier dans un sens accru les règles de contrôle des organismes assureurs

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