En constituant une société, la volonté du citoyen est de préserver son patrimoine propre en le mettant à l’abri des aléas d’une vie commerciale à risque. Encore faut-il qu’en sa qualité de dirigeant, il n’engage pas sa responsabilité.Dans un arrêt du 7.11.2013, la Cour d’Appel de Liège a eu l’occasion de rappeler certains principes.

« En cas de faillite de la société et d’insuffisance de l’actif et s’il est établi qu’une faute grave et caractérisée dans leur chef a contribué à la faillite, tout administrateur ou gérant — actuel ou ancien — ainsi que toute autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer la société, peuvent être déclarés personnellement obligés, avec ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes sociales à concurrence de l’insuffisance d’actif.

» […]

» Pour que l’action en responsabilité pour faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite soit intentée avec succès contre les dirigeants des sociétés concernées, trois éléments doivent être réunis.

» § 1. Une faute grave et caractérisée

» Il s’agit d’une faute impardonnable qu’un dirigeant raisonnablement prudent et diligent n’aurait pas commise, heurtant les normes essentielles de la vie en société, non identifiable au dol bien qu’en étant voisine. La faute doit en outre être caractérisée, à savoir » nettement marquée », ce qui signifie que l’acte doit pouvoir être perçu comme gravement fautif par tout homme raisonnable : l’auteur était conscient ou devait l’être qu’elle contribuerait à la faillite de la société (…).

» § 2. La faillite et l’insuffisance d’actif

» Ce type d’action en responsabilité ne peut être intenté qu’en cas de faillite de la société et à condition que l’actif soit insuffisant pour couvrir l’ensemble des dettes sociales.

» § 3. La contribution de la faute grave et caractérisée à la faillite

» Cette faute ne doit pas être l’origine exclusive de la faillite, mais il suffit qu’elle y ait contribué, peu importe que d’autres facteurs en soient également la cause.

» Le demandeur est dispensé de prouver le lien causal entre la faute et l’insuffisance d’actif dont le dirigeant fautif est présumé responsable » (Y. De Cordt et M.-A. Delvaux, « La responsabilité des dirigeants en droit des sociétés et en droit financier » in La responsabilité des dirigeants des personnes morales, la Charte — Business & Economics, 2007, nos 20, 21, 22, pp. 30 et s.).

« Le juge ne devra donc pas avoir au fait que la faillite serait survenue tôt ou tard même en l’absence de toute faute grave des dirigeants, ou que les créanciers n’auraient pas davantage pu être payés même si la faillite avait été évitée par une mise en liquidation ou une demande de concordat. De même, il importe peu que d’autres facteurs que la faute grave et caractérisée imputée aux administrateurs aient eu une influence négative sur le sort de la société.

» Par ailleurs, la faute grave des dirigeants doit avoir contribué à la faillite, mais pas nécessairement à l’insuffisance d’actif. Ainsi, un dirigeant qui a opéré d’importants prélèvements au point d’amener la société à la cessation de paiements peut se voir condamné au comblement du passif alors que l’insuffisance de l’actif ne lui est en rien imputable et qu’il a remboursé ces prélèvements après la faillite » (J.-F. Goffin, Responsabilité des dirigeants de sociétés, 3e éd., Larcier, 2012, no 181, p. 278).

En l’espèce jugée, bien qu’ayant prêté serment au pied du procès-verbal de faillite de « n’avoir rien détourné, ni savoir que quelque chose ait été détourné des biens appartenant à la société faillie », le dirigeant avait cédé, durant les mois qui ont précédé la faillite, une partie de la clientèle à une société luxembourgeoise qu’il représente.

Cette même clientèle avait été transférée », ensuite, à une autre société qui avait poursuivi sans discontinuer, sous la direction du dirigeant, la même activité.

La transmission de la clientèle était intervenue dans des conditions particulièrement opaques.

Compte tenu de ce détournement de clientèle, il importait peu que la faillite eût dû être prononcée plus tôt, soit avant même que le dirigeant organise le transfert d’une partie des actifs de la société vers la nouvelle société qu’il dirige.

Dès lors qu’il appartient à la Cour de statuer en équité, il n’y a pas lieu de recourir à la mesure d’expertise suggérée par le curateur. Pour fixer le montant de la condamnation qui doit être prononcée à charge du dirigeant par application de l’article 530 du Code des sociétés, la Cour prend en considération la valeur de la clientèle, elle fixe le montant de cette condamnation à 25.000 EUR.

Soulignons, une nouvelle fois, l’importance des assurances Dirigeant de Société

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