Parmi les innovations de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances, il en est une qui ne manquera pas de susciter débat : l’obligation pour l’assureur de justifier des conditions tarifaires qu’il entend appliquer au contrat. Certains laissent déjà entendre que cette obligation ne serait assortie d’aucune sanction…nous ne sommes pas convaincus.

L’article 46 de la loi du 4 avril 2014 prévoit que l’assureur doit :

  • mentionner dans son offre au preneur d’assurance, les critères de segmentation qu’il a utilisés pour déterminer les conditions tarifaires du contrat et l’étendue de la garantie.
  • lorsqu’il décide, pendant la durée du contrat, de modifier celui-ci, en raison de la modification d’un risque, présenter sa proposition au preneur par écrit, de manière expresse et motivée

La loi précise que cette information doit être fournie individuellement et de manière claire et compréhensible pour le preneur d’assurance.

Dans son explication concernant les critères de segmentation utilisés, l’assureur opère une distinction entre :

      les critères utilisés pour déterminer les conditions qui seront applicables lors de la prise de cours du contrat;

      les critères susceptibles d’avoir, dans le futur, un impact sur les conditions du contrat.

      En cas de modification, dans la motivation, l’assureur doit exposer en particulier les données, communiquées ou non par le preneur d’assurance, qu’il a utilisées lors de l’évaluation du risque modifié, ainsi que les critères de segmentation qu’il a appliqués, et qui l’ont amené à formuler sa proposition

      La proposition de modification doit expliquer également, de manière claire et compréhensible pour le preneur d’assurance, ce qu’il advient du contrat d’assurance en cours selon que le preneur d’assurance décide de donner suite ou non à la proposition.

Effectivement, le texte ne prévoit pas à proprement parler de sanction civile ou pénale en cas d’inobservation de cette obligation d’information.

Une nullité peut être prononcée alors même qu’aucune disposition légale ne le prévoit expressément . L’adage « pas de nullité sans texte » n’a pas cours en droit civil. On parlera alors de nullité virtuelle, ou « prétorienne », par opposition à la nullité textuelle.

Le juge ne prononce cependant la sanction de la nullité que « s’il apparaît, eu égard à la gravité de l’infraction, que le but et le caractère de la règle violée ou la nature des choses requièrent, en raison, le recours à cette sanction.

Il en sera ainsi notamment, quand l’acte méconnaît une défense ou une injonction que la loi formule en termes énergiques ou quand les parties ont négligé l’accomplissement de formalités substantielles, c’est-à-dire indispensables à la réalisation des fins que le législateur s’est proposé d’atteindre » (Cl. Renard et E. Vieujean, « Nullité, inexistence et annulabilité en droit civil belge », Ann. dr. Liège, 1962, p. 268)

Prenons un exemple : l’article 81 prévoit que lorsque, au cours de l’exécution d’un contrat d’assurance autre qu’un contrat d’assurance sur la vie, d’assurance maladie ou d’assurance-crédit, le risque de survenance de l’événement assuré s’est aggravé de telle sorte que, si l’aggravation avait existé au moment de la souscription, l’assureur n’aurait consenti l’assurance qu’à d’autres conditions, il doit, dans le délai d’un mois à compter du jour où il a eu connaissance de l’aggravation, proposer la modification du contrat avec effet rétroactif au jour de l’aggravation.

L’article 81 fait expressément référence à la partie 3, titre III, chapitre 2, qui renferme l’article 46 précité.

Il serait à mon sens raisonnable de considérer que l’assureur qui proposerait une modification du contrat sans exposer en particulier les données, communiquées ou non par le preneur d’assurance, qu’il a utilisées lors de l’évaluation du risque modifié, ainsi que les critères de segmentation qu’il a appliqués, et qui l’ont amené à formuler sa proposition ne formulerait pas une proposition valable au sens de l’article 81.

La sanction serait alors lourde puisque la loi prévoit que l’assureur qui n’a pas proposé sa modification dans le délai d’un mois ne peut plus se prévaloir à l’avenir de l’aggravation du risque.

A suivre….

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