Les accidents de la circulation qui opposent un usager de la route et un tram sont fréquents. Le rapport de la STIB fait état de 5.114 accidents (tram, pré-métro, métro et bus confondus). Il est souvent considéré que le Tram a toujours raison. La Cour de Cassation ne partage pas cet automatisme.

Dans un arrêt du 3 janvier 2014, la Cour de Cassation a eu l’occasion de se pencher sur les règles régissant un accident de la circulation entre un tram et un automobiliste.

Le jugement attaqué rejetait la défense de la STIB fondée sur la priorité de passage dont bénéficient les véhicules sur rails et, par voie de conséquence, impute la responsabilité de l’accident au préposé de la STIB et condamne cette dernière à indemniser l’automobiliste sur base de la motivation suivante :

« L’article 27 de l’arrêté royal du 15 septembre 1976 dispose que ‘le conducteur est tenu de ralentir ou d’arrêter son véhicule lorsqu’il y a danger.

Le conducteur d’un véhicule ferré doit ralentir et, en cas de besoin, s’arrêter quand, par suite d’un encombrement de circulation, il est dangereux de maintenir la vitesse ou de continuer à rouler’.

En l’espèce, le tribunal constate que le tram circule sur la voirie et non en site propre, de telle sorte qu’il est tenu de partager l’espace avec les autres usagers de la route.

De même, le tribunal observe la configuration des lieux et le fait qu’à proximité du lieu où s’est produit l’accident, le tram effectue un virage à gauche qui réduit partiellement la visibilité du wattman ; de ce fait, il lui appartient d’être particulièrement prudent et vigilant et ce, d’autant qu’il circule en voirie, de surcroît en heure de pointe (ce qui implique une circulation piétonne et automobile accrue), à un endroit où plusieurs lignes de transport en commun se croisent.

En circulant comme il l’a fait, sans adopter un comportement de prudence (vitesse réduite ; utilisation d’un avertisseur sonore ; …), le wattman a commis une infraction à l’article 27 précité, qui engage la responsabilité de la STIB.

En bref, le jugement attaqué considérait donc que, vu la disposition des lieux (visibilité réduite, risques d’encombrement, proximité d’un passage pour

piétons, etc.), il appartenait au wattman, et non à la défenderesse, de prévoir la survenance d’un véhicule et d’adapter sa vitesse en fonction d’un possible obstacle.

Selon la STIB qui introduisit un pourvoi en Cassation, pareil raisonnement ne tient pas compte de l’article 12.1 du code de la route, en vertu duquel « tout conducteur doit céder le passage aux véhicules sur rails, à cette fin il doit s’écarter de la voie ferrée dès que possible ».

Cette obligation de céder le passage aux véhicules sur rails serait, selon la STIB, générale et ne souffre pas d’exception : elle est justifiée par la difficulté qu’ont les véhicules sur rails, par rapport aux autres véhicules, de réduire leur vitesse et de s’arrêter sur une courte distance.

De cette obligation, il se déduirait (toujours selon la STIB) que, contrairement à ce que décide le jugement attaqué, l’automobiliste n’était pas autorisée, vu la disposition des lieux, à circuler comme il l’a fait, sans tenir compte des risques d’encombrement de la circulation.

C’est à l’automobiliste qu’il appartiendrait d’anticiper la survenance d’un tram et l’éventualité de la traversée d’un piéton.

Dès lors, le rappel fait par le jugement de l’article 27, § 2, de l’arrêté royal du 15 septembre 1976, qui impose au wattman de ralentir et, au besoin, de s’arrêter en cas d’encombrement de la circulation, ne saurait justifier la décision qui exclut tout manquement de la défenderesse.

La Cour de Cassation refusa de casser le jugement entrepris en considérant que « Le jugement attaqué, qui déduit de ces énonciations que, « compte tenu de sa visibilité réduite, des risques d’encombrement de la circulation à ce moment et à cet endroit, ainsi que des distances de freinage propres aux trams, il appartenait au wattman d’anticiper la survenance d’un véhicule d’une des rues latérales ainsi que les possibilités d’arrêt de celui-ci, a fortiori compte tenu de l’existence d’un passage pour piétons », et qu’ « en circulant comme il l’a fait, sans adopter un comportement de prudence (vitesse réduite ; utilisation d’un avertisseur sonore ; …), le wattman a commis une infraction à l’article 27 [de l’arrêté royal du 15 septembre 1976] », justifie légalement sa décision que « seule la faute du wattman est établie » et que, « sans cette faute, l’accident ne se serait pas produit ».

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