Un arrêt de la Cour d’Appel de Mons du 24.3.2014 retient la responsabilité du propriétaire d’un terrain en friche en raison d’une coulée de boue ayant endommagé la propriété du voisin. Une application intéressante de l’article 1384 alinéa 1er : la responsabilité du gardien de la chose.

Le litige oppose l’assureur « dégâts des eaux » de D à l’assureur couvrant la responsabilité C., propriétaire du terrain voisin.

Le 26 juin 2009, lors d’un violent orage, une coulée de boue provenant du terrain de C., en forte pente, récemment débroussaillé et situé à l’arrière de la propriété de D., s’est répandue dans l’habitation de ce dernier.

L’assureur « dégâts des eaux » subrogé dans les droits de son assuré a mis en cause la responsabilité de C. pour avoir apporté des modifications au relief du terrain et enlevé le mur de soutènement des terres se trouvant à l’arrière de la propriété de D.

L’article 1384, alinéa 1er, du Code civil crée, au profit de la victime, une présomption irréfragable de responsabilité à charge du gardien d’une chose vicieuse qui a causé un dommage.

Le gardien ne peut échapper à sa responsabilité qu’en prouvant que le dommage est dû à une cause étrangère et non au vice de la chose, et ce quelle que soit l’origine du vice.

L’ignorance, même invincible, du vice ne libère pas le gardien de sa responsabilité présumée, de même que l’absence de faute ou de négligence dans son chef.

Il convient de vérifier si, en l’espèce, les conditions prévues par l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil sont réunies dans le chef de C.

Il n’est pas contesté que C., propriétaire, est la gardienne du terrain litigieux.

Il a été jugé, à de nombreuses reprises par la Cour de cassation, depuis son arrêt du 19 janvier 1978, que le vice de la chose, cause éventuelle de responsabilité, est une caractéristique anormale rendant la chose, en certaines circonstances, susceptible de causer un préjudice; ce n’est pas exclusivement une défectuosité intrinsèque, un élément permanent, inhérent à la chose et survenu en dehors de toute intervention d’un tiers (Cass., 19 janvier 1978, Pas., 1978, p. 582; Cass., 13 mai 1993, Pas., 1993, p. 481; Cass., 2 mars 1995, Pas., 1995, p. 273; Cass., 3 février 2005; Cass., 28 janvier 2005, R.G. no C.02.0272 N, www.cass.be).

L’article 1384, alinéa 1er, du Code civil s’applique aux immeubles par nature comme aux immeubles par destination ou par incorporation, à l’exception des bâtiments prévus par l’article 1386 du Code civil (Cass., 22 octobre 1954, Pas., 1955, p. 149).

Le vice de la chose doit être apprécié in concreto.

Il n’est pas contesté que le terrain de C. avait entièrement été débroussaillé et se trouvait vierge de toute végétation.

En l’espèce, le premier juge a considéré, à juste titre, que le fait qu’un terrain en friche soit totalement dépourvu de végétation n’était pas une caractéristique normale, un terrain non exploité étant naturellement couvert d’herbe, et que, sur un terrain en pente, cette caractéristique était susceptible de causer un dommage parce que l’absence de végétation permettait un écoulement plus important de l’eau et la création de rigoles, par un phénomène de ravinement.

C’est effectivement ce qui s’est produit et a causé une importante coulée de boue dans l’habitation de D.

Les photographies révèlent que les ravines laissées par les eaux de ruissellement sont clairement visibles ce qui démontre que le talus n’a pas été stabilisé.

Le sinistre du 26 juin 2009 a bel et bien été provoqué par le vice affectant le terrain sans lequel il ne se serait pas produit tel qu’il est survenu in concreto.

Les conditions de mise en œuvre de la présomption de responsabilité créée par l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil sont donc réunies.

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