Dernièrement, le journal le Vif publiait un article intitulé « En cas de “perte totale”, puis-je tout de même faire réparer ma voiture ? ». Il nous a semblé utile de rappeler ici quelques principes.


Un propriétaire victime d’un sinistre incendie réclamait, en raison d’une indemnisation tardive, l’application du taux prévu par la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.

La Cour tranche la question comme suit :

La loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales entend transposer la directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.

Cette loi s’applique à tous les paiements effectués en rémunération de transactions commerciales, lesquelles sont, les transactions « entre entreprises ou entre des entreprises et des pouvoirs adjudicateurs ou des entités adjudicatrices qui conduisent à la fourniture de biens ou à la prestation de services contre rémunération ».

La question porte sur le point de savoir si la loi précitée viole le principe d’égalité en ce qu’il « ne s’appliquerait pas aux indemnisations payées par les compagnies d’assurance alors que ces dernières sont également des commerçantes et que l’indemnisation du sinistre doit être considérée comme la contrepartie de l’obligation de paiement des primes par l’assuré ».

L’article 2.1 de la loi du 2 août 2002, avant sa modification par la loi du 22 novembre 2013, disposait :

« Pour l’application de la présente loi, on entend par :

 

  1. 1.“transaction commerciale” : toute transaction entre entreprises ou entre des entreprises et des pouvoirs adjudicateurs ou des entités adjudicatrices qui conduit à la fourniture de biens ou à la prestation de services contre rémunération ».

Le considérant n° 13 de la directive 2000/35/CE précitée énonce :

« Il convient de limiter la portée de la présente directive aux paiements effectués en rémunération de transactions commerciales et de ne pas réglementer les transactions effectuées avec les consommateurs ni les intérêts en jeu dans d’autres types de paiements, par exemple les paiements effectués au titre de la législation sur les chèques et les lettres de change, ou les paiements effectués dans le cadre de l’indemnisation de dommages, y compris ceux effectués par les compagnies d’assurance ».

 

Les retards de paiement visés par la loi précitée du 2 août 2002 ne comprennent dès lors pas ceux imputés aux compagnies d’assurance.

Il existe ainsi une différence de traitement entre deux catégories de créanciers.

Cette différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir la nature différente des deux catégories de transactions :

  • Les créances visées par la loi en cause constituent des créances de sommes dont le montant est déterminé à l’origine de la transaction.
  • En revanche, les créances telles que les indemnités dues par une compagnie d’assurance sont des créances de valeur destinées à couvrir un dommage résultant d’une faute ou d’un autre fait générateur de responsabilité.

Contrairement aux dettes de somme dont le montant est liquide puisqu’il correspond à une facture, le montant des créances d’indemnités, telles que celles dues par une compagnie d’assurance, ne devient liquide qu’au moment où une décision judiciaire ou un accord intervient pour fixer ce montant.

Le législateur a transposé en droit interne les principes de la directive européenne précitée. Ainsi, il s’agissait de lutter contre les effets négatifs de retards de paiement, alors que les marchandises avaient été livrées ou les services rendus, tant sur les liquidités des entreprises commerciales que sur la compétitivité de celles-ci.

Si les créanciers d’une indemnité d’assurance ne bénéficient pas du taux particulier dont bénéficient les créanciers couverts par la loi du 2 août 2002, les créances d’indemnités telles celles dues par les compagnies d’assurance sont soumises au droit commun qui règle lui aussi le taux applicable en cas de paiements tardifs.

La différence de traitement n’est pas sans justification raisonnable.

Saisissons cette occasion pour rappeler que l’article 13 de la loi du 21.11.1989 organise un régime de sanction spécifique en cas de paiement tardif de sommes incontestablement dues.

De même, l’article 121 § 7 de la loi du 4.4.2014 sur les assurances, stipule (en assurance incendie) que la partie de l’indemnité qui n’est pas versée dans les délais prévus par la loi porte de plein droit intérêt au double du taux de l’intérêt légal à dater du jour suivant celui de l’expiration du délai jusqu’à celui du paiement effectif, à moins que l’assureur ne prouve que le retard n’est pas imputable à lui-même ou à un de ses mandataires.

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