Dernièrement, le journal le Vif publiait un article intitulé « En cas de “perte totale”, puis-je tout de même faire réparer ma voiture ? ». Il nous a semblé utile de rappeler ici quelques principes.

En droit belge, le principe est d’octroyer à la victime le coût des réparations. Elle a droit à ce coût, qu’elle procède ou non aux réparations (principe de libre disposition des indemnités consacré notamment par l’article 147 de la loi du 4.4.2014)

Ce principe est néanmoins tempéré depuis 1956 par un arrêt de la Cour de Cassation qui énonce : « L’obligation de supporter le coût de la réparation d’une chose endommagée a, en règle, pour limite la valeur de remplacement de cette chose ; dès lors, ne justifie pas légalement sa décision condamnant l’auteur d’un accident au paiement des frais de réparation d’un véhicule sinistré, le juge qui ne constate pas que ces frais sont inférieurs ou égaux à la valeur de remplacement dudit véhicule »

La valeur de remplacement est définie par la Cour de cassation comme « la somme nécessaire pour acquérir une chose semblable ». Il ne s’agit donc pas de la valeur vénale (le prix que le propriétaire aurait retiré de la chose s’il l’avait vendue).

S’agissant, par exemple, d’un véhicule, il ne convient pas de prendre en compte le prix auquel ce véhicule aurait pu être vendu, mais de déterminer le coût que devrait débourser la victime pour faire l’acquisition d’un véhicule de même qualité.

Il est ainsi surréaliste de voir un expert (cas vécu) fixer la valeur de remplacement à un prix inférieur… à celui de l’épave !

Comme le rappelle fréquemment la Cour de Cassation, « toute personne dépouillée d’une chose par un acte illicite a droit à la reconstitution de son patrimoine par la restitution de cette chose ; lorsque la restitution est impossible, la partie lésée a droit à la valeur de remplacement de la chose »

Dans l’hypothèse où il n’est pas possible de trouver sur le marché un bien usagé, d’une qualité égale pour remplacer le bien détérioré, l’auteur du dommage sera tenu, soit de réparer la chose (aussi coûteuse soit la réparation), soit de s’acquitter du prix de la chose neuve pour la remplacer.

La question se pose alors de savoir si cette « plus-value » doit être prise en compte ? En d’autres termes, l’auteur du dommage peut-il invoquer l’existence dans le chef de la victime d’un enrichissement ?

Si la jurisprudence est divisée, de nombreux auteurs s’accordent pour considérer qu’il y a certes enrichissement de la victime, mais que cet enrichissement n’est pas sans cause, la cause étant l’acte illicite de l’auteur du dommage et son obligation de réparer.

Il faut donc soutenir les décisions qui considèrent qu’il ne convient pas de procéder à un abattement pour cause de vétusté, chaque fois que la victime ne peut ni faire réparer l’objet détruit ni se procurer un bien de remplacement dans un état équivalent à celui du bien détruit ou endommagé et que ce n’est qu’en raison de cette impossibilité qu’elle bénéficie « malgré elle » de cette « plus-value ».

Encas de perte totale économique, rappelons également que la victime a droit, en sus, aux éventuels frais de démontage qui auraient été nécessaire, au chômage d’attente, du jour du sinistre jusqu’au jour où la victime se voit signifier par écrit la mise en perte totale de son véhicule accidenté.

Il appartient alors à la victime de commander rapidement son nouveau véhicule si elle souhaite faire valoir un préjudice couvrant le délai de mutation.

Ce « rapidement » s’entend de manière raisonnable. Il a ainsi été jugé qu’il ne pouvait être reproché à la victime d’avoir attendu quelques jours pour examiner des offres.

Certes, les PV d’expertise, fixent généralement à 6 jours el délai de mutation (ce qui est irréaliste) et les tribunaux tiennent de plus en plus souvent compte du délai réellement nécessaire à l’acquisition d’un nouveau véhicule.

Il est, à cet égard, recommandé de ne pas marquer accord sur le délai de mutation proposé en signant le PV d’expertise qui fixerait le montant du dommage de manière forfaitaire. Des réserves telles que « accord sur les montants sous réserve de la durée réelle du chômage de mutation » sont à recommander.

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