Le travailleur est couvert pour tout accident survenu sur le chemin du travail. La loi définit le chemin du travail comme trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l’exécution du travail et inversement. Qu’entend-on par « trajet normal » Un arrêt de la Cour du Travail de Bruxelles livre une réflexion intéressante.

Alors qu’il avait terminé sa journée de travail à 0 h 49 et qu’il circulait en voiture pour rentrer chez lui, le travailleur percuta la borne centrale et effectua plusieurs tonneaux avant de s’immobiliser à la hauteur de la sortie 12 de l’autoroute.

L’assureur contestait que l’accident était survenu sur le chemin du travail dès lors que le travailleur avait l’habitude d’emprunter la sortie n° 9 et que le travailleur se trouvait au moment de l’accident aux abords de la sortie n° 12, soit un allongement de 19 kilomètres sur une distance totale de 40,27 km.

Sur le plan temporel également, le trajet n’apparaissait pas normal aux yeux de l’assureur dès lors que le travailleur a terminé son travail à 0 h 49 et l’accident se serait produit à 2 heures du matin ; or le trajet normal devait être parcouru en environ 35 minutes ; il y aurait donc une interruption injustifiée d’environ ½ heure.

Enfin l’assureur relève que le travailleur se trouvait en état d’ivresse.

La Cour rappelle alors qu’aux termes de l’article 8, § 1er, alinéa 2 de la loi du 10 avril 1971,

« Le chemin du travail s’entend du trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l’exécution du travail et inversement ».

Suivant l’article 8, § 1er, alinéa 4,

« Le trajet de la résidence au lieu de travail commence dès que le travailleur franchit le seuil de sa résidence principale ou secondaire et finit dès qu’il en franchit de nouveau le seuil ».

Le texte légal ne donne que peu d’indications au sujet du trajet « normal » : il doit se situer entre le seuil de la résidence et le lieu du travail (et inversement).

Le trajet normal n’est pas nécessairement la ligne la plus courte entre ces deux extrémités. Le travailleur a le choix de l’itinéraire et n’est pas tenu de suivre le même trajet chaque jour. Le juge doit examiner si les circonstances de fait du déplacement rendent le trajet normal. Le caractère normal du trajet s’apprécie de manière raisonnable.

Le trajet parcouru pour se rendre de la résidence au lieu de l’exécution du travail est normal au sens de l’article 8, § 1er, alinéa 2 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, s’il est normal quant à l’espace et quant à la durée ; lors de l’appréciation du caractère normal du trajet quant à la durée, il y a lieu d’examiner aussi si le trajet succède à la période passée sur le lieu de travail par le travailleur pour y effectuer le travail convenu (Cass., 25 avril 1994, Larcier Cass., 1994, n° 71).

Le trajet parcouru par le travailleur pour se rendre de sa résidence au lieu de travail et inversement, demeure le trajet normal au sens de l’article 8, § 1er, alinéa 2 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, si le détour fait par le travailleur est insignifiant, s’il est peu important et se justifie par un motif légitime ou si le détour est important mais imputable à une force majeure (Cass., 13 avril 1992, Larcier Cass., n° 425 ; Cass., 13 novembre 1995, Pas., 1995, I, 1039 ; Cass., 24 septembre 1990, J.L.M.B., p. 1352 ; Cass., 18 décembre 2000, Bull. n° 702).

En ce qui concerne l’ivresse du travailleur, la Cour relève que Le texte légal ne fait référence à aucune cause quelconque, de sorte que doivent être admis tous les accidents survenant sur le chemin du travail, même si leur cause est liée à une faute de la victime, même grave, sauf faute intentionnelle (article 48 de la loi du 10 avril 1971).

La Cour de cassation précise qu’un accident de roulage survenu sur le chemin du travail ne perd pas le caractère d’accident du travail au sens de l’article 8, § 1er de la loi du 10 avril 1971 parce qu’il aurait été causé par une défaillance de l’organisme de la victime (Cass., 29 avril 2002, R.G.A.R., 2003, 13682).

Pour ce qui est du trajet normal, la Cour énonce :

Lors de la survenance de l’accident, le travailleur se trouvait bien sur le chemin pour se rendre à sa résidence venant du lieu d’exécution de son travail (autoroute E411 vers Namur). Ce trajet apparaît normal et justifié d’un point de vue géographique.

Quelle que soit la sortie que le travailleur avait l’habitude d’emprunter (n° 9 ou n° 11), il convient d’examiner si le travailleur a réellement effectué un détour au moment de l’accident.

Lorsque son véhicule s’est immobilisé après avoir percuté la borne centrale et avoir effectué plusieurs tonneaux, il se trouvait à hauteur de la sortie n° 12. Le trajet via cette sortie constitue un détour relativement important, qui devrait être justifié à tout le moins par une cause légitime.

Toutefois, le travailleur n’a pas emprunté la sortie n° 12. Il a dépassé une voire deux sorties d’autoroute parce qu’il s’est endormi au volant, étant trop fatigué après sa journée de travail et ayant de surcroît consommé des boissons alcoolisées. Ce dépassement involontaire ne constitue pas un détour.

Si le fait volontaire du détour n’est pas établi, mais qu’il peut être attribué à des raisons liées à l’organisme de la victime, il y a en principe lieu à réparation par l’assureur.

Enfin, en ce qui concerne l’interruption, la Cour constate que le travailleur n’a pas quitté immédiatement son travail mais a consommé deux bières avec un de ses collègues avant de prendre la route si bien qu’il n’y a pas eu interruption du trajet.

Pas de commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *