Un représentant de commerce se fait voler des marchandises qu’il transportait et ne lui appartenait pas. L’assureur refuse de couvrir. Le 1er juge déclare l’action irrecevable en considérant que le représentant n’avait pas qualité pour réclamer. La Cour d’Appel de Mons réforme cette décision.

Le représentant fut victime d’un vol avec effraction de matériel de lunetterie se trouvant sur la banquette arrière de son véhicule. Il a déposé plainte et déclaré le sinistre à son assureur qui a signifié son refus de couvrir le sinistre.

Le représentant avait assuré son véhicule, notamment contre le risque de vol, étant précisé qu’elle est également assurée pour le vol de la marchandise transportée, plus précisément des lunettes, dont l’assureur n’ignorait pas qu’elles appartenaient à un tiers.

L’assureur soutient néanmoins que le représentant n’a pas qualité et intérêt personnel à agir dès lors qu’il n’est pas propriétaire des lunettes qui ont été volées mais en est seulement la dépositaire, de sorte que sa demande serait irrecevable, seul le propriétaire des lunettes pouvant agir.

Or « L’intérêt consiste dans tout avantage matériel ou moral, effectif mais non théorique que le demandeur peut retirer de la demande au moment où il la forme » (H. REGHIF, op. cit., I.2.-1,001).

« À qualité celui qui se prétend titulaire du droit revendiqué » (H. REGHIF, op. cit., I.3.-2,015).

Dès lors que le représentant, cocontractante de l’assureur, prétend pouvoir bénéficier d’une prestation d’assurance en exécution du contrat qui les lie et qu’elle se prétend donc titulaire d’un droit subjectif à son égard, il a qualité et intérêt à agir au sens de l’article 17 du Code judiciaire, de sorte que la demande est recevable.

L’examen de l’existence et de la portée du droit invoqué ne relève pas de la recevabilité mais du fondement de la demande (voy. notamment Cass.,

28 septembre 2007, R.G. no C.06.0180.F ; Cass., 26 février 2004, R.G. no C.01.0402.N).

L’assureur contestait alors l’intérêt du représentant à être indemnisé d’une marchandise qui ne lui appartenait pas.

L’article 5, 17o, a), de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances, d’application immédiate aux contrats en cours, dispose qu’il y a lieu d’entendre, sauf mention contraire explicite, par « assuré », dans une assurance de dommages : la personne garantie par l’assurance contre les pertes patrimoniales.

Il résulte de la police litigieuse que c’est bien le représentant, preneur d’assurance, qui est garanti contre les pertes patrimoniales pouvant résulter du vol de la marchandise transportée.

Dans les assurances à caractère indemnitaire, en vertu de l’article 91 de la même loi, l’assuré doit pouvoir justifier d’un intérêt d’assurance, c’est-à-dire d’un intérêt économique à la conservation de la chose ou à l’intégrité du patrimoine.

L’article 93 précise que la prestation due par l’assureur est limitée au préjudice subi par l’assuré. Ce préjudice peut notamment consister dans la privation de l’usage du bien assuré ainsi que dans le défaut de profit espéré.

« L’obligation d’un intérêt à la conservation de la chose trouve son fondement dans deux principes du droit des assurances : la crainte des sinistres volontaires et la prohibition des paris. Si l’assuré a un intérêt à la conservation de la chose, il ne sera pas tenté de provoquer le sinistre, ni de spéculer sur la disparition de l’objet assuré » (R. FEYAERTS et J. ERNAULT,

Traité, no 429 ; BEGEREM et DE BAETS, Traité, no 208) » (D. DE MAESENEIRE, « Assurance incendie – L’intérêt d’assurance », Traité pratique de l’assurance, août 2003, II.11.3.-01., p. 233).

Il est admis que « l’obligation de restituer une chose que l’on détient pour quelque raison que ce soit peut justifier l’intérêt d’assurance et l’exigence de contexte économique au sens de l’article 37 de la loi sur le contrat d’assurance terrestre. Ainsi, l’intérêt d’assurance sera considéré comme présent lorsque l’on doit réparer la démolition ou la détérioration d’une chose que l’on a sous sa garde et dont on est responsable » (B. VOGLET,

« L’intérêt en assurances sous le critère de l’obligation de restitution de la chose assurée« , For. ass., 2012, no 120, p. 13).

Dès lors qu’en sa qualité de dépositaire des marchandises qui ont été volées, il avait une obligation de restitution à l’égard de leur propriétaire, le représentant a intérêt à percevoir la prestation d’assurance.

En l’espèce, il résulte de la pièce 8 du dossier du représentant que cette dernière avait un intérêt économique à la conservation de la marchandise volée dont le propriétaire entend lui réclamer indemnisation à due concurrence pour le vol litigieux.

Il était donc permis à l’appelante de les assurer elle-même et d’avoir la qualité d’assurée (voy. notamment en ce sens Cass., 26 janvier 1978, J.T., 1978, p. 630 ; Cass. 12 mars 1976, Pas., 1976, I, p. 396).

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