Un débat porte souvent sur la nature des intérêts octroyés par le magistrat dans le cadre de l’indemnisation d’un dommage et sur la possibilité de calculer des intérêts sur les intérêts (anatocisme). Un arrêt de la Cour d’Appel de Mons du 11 octobre 2016 offre une réponse.

Dans le cadre d’un sinistre incendie du 20 novembre 2008, un expert avait été désigné qui avait rendu son rapport le 5 juin 2013.

Statuant sur les intérêts, la Cour énonce :

Il faut préalablement se poser la question de savoir comment il faut qualifier les intérêts dus par la SA ETHIAS, c’est-à-dire qu’il convient de déterminer si la dette de cette dernière est une dette de valeur ou une dette de somme.

A ce sujet, il a été écrit, à juste titre, que : ” l’article 1153 s’applique aux obligations qui, initialement, se bornent au paiement d’une somme d’argent (Cass., 14 décembre 1989, Pas., 1990, 473).

Le fait que le montant de cette somme ne serait pas déterminé numériquement à l’avance mais serait soumis à l’appréciation du juge n’y fait pas obstacle (Cass., 28 novembre 2002, Pas., 2002, I, 2277, où la Cour a décidé que l’obligation de l’assureur de payer l’indemnité prévue par le contrat d’assurance est une obligation qui, au sens de l’article 1153 du Code civil, se borne au paiement d’une certaine somme, même si cette indemnité doit être fixée par le juge)” (Ph. LACONTE, « Les intérêts compensatoires et moratoires en matière contractuelle », J.T., 2005, 529 et suivantes, n° 34)

Cependant, de façon plus précise, la Cour de cassation a enseigné, à bon droit, que : ” Lorsque l’obligation prévue par un contrat d’assurance de payer une indemnité constituant la réparation d’un dommage à des biens doit faire l’objet d’une évaluation après la survenance du sinistre, cette obligation ne constitue pas, avant son évaluation, une dette de somme au sens de l’article 1153 du Code civil” (Cass., 11 juin 2009, RGDC, 2012/7, p. 344)

Il résulte de ce qui précède que la dette de l’assureur est une dette de valeur, avant son évaluation, sur laquelle des intérêts compensatoires peuvent être calculés, jusqu’à celle-ci, et une dette de somme, depuis cette même date, sur laquelle des intérêts moratoires peuvent être comptabilisés.

A propos de la date de prise de cours des intérêts moratoires, il a été écrit, à bon droit, que : ” L’octroi d’intérêts moratoires suppose que la dette de somme soit exigible. La Cour de cassation rappelle en effet dans plusieurs de ses arrêts que les intérêts moratoires ne sont dus qu’en cas de retard dans l’exécution de l’obligation de payer une somme déterminée. Or, tant que la dette n’est pas exigible, il ne peut y avoir de retard dans l’exécution….L’alinéa 3 de l’article 1153 énonce que les intérêts moratoires ne sont dus, en règle, qu’à partir du jour de la sommation de payer, en d’autres termes, à dater de la mise en demeure adressée par le créancier au débiteur défaillant…”(Ph. LACONTE, « Les intérêts compensatoires et moratoires en matière contractuelle », J.T., 2005, 529 et suivantes, n° 40 et 41).

Il faut donc pour pouvoir solliciter des intérêts moratoires qu’une double condition cumulative soit remplie, à savoir que la dette soit exigible et qu’il y ait eu une mise en demeure du débiteur .

En l’espèce, l’obligation de la SA ETHIAS doit être considérée comme une dette de valeur jusqu’au dépôt du rapport d’expertise le 5 juin 2013 et doit être majorée des intérêts compensatoires au taux non contesté par les parties de 6 %, à dater du 20 novembre 2008, jusqu’au 5 juin 2013.

A partir du 5 juin 2013, la dette de la SA ETHIAS doit être considérée comme une dette de somme en principal et intérêts compensatoires calculés jusqu’à cette date.

Des intérêts moratoires aux taux légaux successifs doivent être calculés sur cette dernière somme globale, depuis la mise en demeure de S.H., soit depuis la date de ses conclusions le 13 février 2014.

Pour le surplus, S.H. sollicite, par ailleurs, que les intérêts moratoires, qu’il faut donc qualifier de moratoires après le 13 février 2014, soient capitalisés conformément à la règle de l’anatocisme visée à l’article 1154 du Code civil.

L’article 1154 du Code civil qui traite de la capitalisation des intérêts précise que « Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une sommation judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la sommation soit, dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière ».

Dès lors que, à la date de la demande, plus d’un an d’intérêts moratoires étaient dus et qu’il est admis que le dépôt des conclusions vaut une sommation (Cass., 7 octobre 2011, Pas., 2011, I, p. 2148), les intérêts moratoires peuvent donc être capitalisés depuis la demande faite à ce sujet en termes de conclusions, soit depuis le 29 février 2016.

Pas de commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *