Le prévenu acquitté a droit à une indemnité de procédure à charge de la partie civile qui a introduit à son encontre une citation directe mais, par contre, il n’aurait pas droit à une indemnité de procédure d’appel à charge de la partie civile qui bien que n’ayant pas introduit de citation directe à son encontre, a néanmoins interjeté appel en l’absence de tout recours du ministère public.

La question préjudicielle a été posée à la Cour Constitutionnelle qui s’est prononcée dans un arrêt du 22.9.2016.

Le Tribunal de première instance de Liège est saisi de l’appel de la partie civile M.G., dont l’action civile est relative à un accident avec dégâts matériels dont se serait rendu coupable J.B.

Ce dernier a été poursuivi devant le Tribunal de police de Liège à l’initiative du ministère public et M.G. s’est constituée partie civile à l’audience du 30 octobre 2012.

Le Tribunal de police de Liège a, au pénal, définitivement condamné J.B. pour défaut d’assurance et pour défaut d’immatriculation, mais l’a acquitté au bénéfice du doute des préventions de roulage et de délit de fuite.

La partie civile a interjeté appel de ce jugement, appel que la partie publique n’a ni anticipé, ni suivi.

Le juge a quo constate d’emblée qu’il n’est saisi que des dispositions civiles du jugement attaqué. Il estime ensuite qu’il y a un doute quant à l’existence d’une faute dans le chef de J.B. et il confirme le jugement dont appel.

Se pose alors la question des dépens et le juge a quo relève qu’il résulte de l’article 162bis du Code d’instruction criminelle que, en règle, le prévenu qui est acquitté n’a pas droit à une indemnité de procédure à charge de la partie civile lorsque celle-ci n’a pas mû elle-même l’action publique par l’effet d’une citation directe.

Or, en l’espèce, si la partie civile n’a pas introduit de citation directe mais s’est contentée de se constituer partie civile à l’audience du premier juge, elle a introduit un appel que la partie publique n’a ni anticipé, ni suivi. J.B. ne sollicite que l’indemnité de procédure liée à cette procédure d’appel.

Le juge a quo estime que la situation de la partie civile qui cite directement un prévenu et celle de la partie civile qui introduit seule un appel, sans être identiques, sont suffisamment comparables pour que se pose la question de l’éventuelle discrimination dont souffrirait le prévenu qui pourrait ou non obtenir une indemnité de procédure, selon que la partie civile introduit l’instance en premier ou en second degré. Il décide dès lors de poser la question préjudicielle mentionnée ci-dessus.

La Cour répond dans les termes suivants :

L’indemnité de procédure est « une intervention forfaitaire dans les frais et honoraires d’avocat de la partie ayant obtenu gain de cause » (article 1022, alinéa 1er, du Code judiciaire, inséré par l’article 7 de la loi du 21 avril 2007).

L’indemnité de procédure dont il est question dans la disposition en cause ne concerne que l’action civile, soit l’action pour la réparation du dommage causé par une infraction.

La situation du prévenu acquitté et du civilement responsable varie, en matière de répétibilité, selon que les poursuites sont exercées à l’initiative de la partie civile ou du ministère public : dans le premier cas, ils peuvent bénéficier de la répétibilité, dans le second cas, non.

La disposition en cause fait partie d’un ensemble de mesures qui répondent au souci « de traiter de manière identique les justiciables qui sollicitent la réparation d’un dommage devant une juridiction civile ou une juridiction répressive » (Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1686/4, pp. 6 et 8; ibid., n° 3-1686/5, p. 32; Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2891/002, p. 5).

La condamnation prescrite par la disposition en cause est justifiée par la circonstance que c’est la partie civile, et non le ministère public, qui a « mis l’action publique en mouvement », si bien qu’elle doit être considérée comme « responsable » de cette action « à l’égard du prévenu » (Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1686/4, p. 8; Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2891/002, p. 6).

En ce qui concerne la situation du prévenu acquitté ou de l’inculpé bénéficiant d’un non-lieu, il est encore précisé dans les travaux préparatoires de la disposition en cause :

« La répétibilité ne jouera par ailleurs pas dans les relations entre le prévenu et l’Etat, représenté par le ministère public, et ce toujours conformément à l’avis des ordres d’avocats et du Conseil supérieur de la Justice. Il faut ici relever que le ministère public, en exerçant les poursuites, représente l’intérêt général et ne peut dès lors être mis sur le même pied qu’une partie civile qui mettrait seule en mouvement l’action publique pour la défense d’un intérêt particulier » (Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2891/002, pp. 6-7).

Le législateur a pu raisonnablement considérer qu’il ne convenait pas, en raison de la mission qui lui est dévolue, d’étendre au ministère public un système selon lequel une indemnité de procédure serait automatiquement due chaque fois que son action reste sans effet.

Eu égard à ce qui précède, il est également justifié que la partie civile succombante ne soit pas condamnée à payer une indemnité de procédure au prévenu acquitté et au civilement responsable quand elle s’est limitée à greffer son action sur une action publique intentée par le ministère public.

En effet, le législateur a pu raisonnablement estimer que, dans ces hypothèses, même si la partie civile succombait dans ses prétentions, elle ne devait pas être considérée comme responsable des poursuites à l’encontre du prévenu (Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1686/5, p. 33).

Ces cas de figure sont différents de celui d’une procédure intentée devant le juge civil, laquelle, quelle que soit la manière dont elle est introduite, n’est jamais une action greffée sur une action publique qui a été mise en mouvement par le ministère public.

Il est donc justifié que la partie civile ne soit condamnée à payer l’indemnité de procédure au prévenu acquitté et au civilement responsable que quand c’est elle qui a mis l’action publique en mouvement.
Par contre, la partie civile qui, seule, interjette appel d’un jugement d’acquittement lorsque l’action publique a été intentée par le ministère public prend l’initiative d’une nouvelle instance, même si elle n’est pas à l’origine de l’action introduite en première instance et qu’elle a greffé son action initiale sur l’action publique.

Elle exerce ainsi un droit qui lui est propre, le droit de faire réexaminer sa cause par une juridiction supérieure.

Dès lors que le ministère public n’a pas interjeté appel, l’action de la partie civile en degré d’appel ne se greffe plus sur une action mue par l’intérêt général mais tend exclusivement à la défense d’un intérêt privé. Elle est donc à l’origine des frais et honoraires d’avocat exposés pour la procédure d’appel.

La disposition en cause qui met à charge de la partie civile qui introduit une action par citation directe une indemnité de procédure au bénéfice du prévenu acquitté et du civilement responsable, sans la mettre à charge de la partie civile qui, sans être précédée ou suivie à cet égard par le ministère public, interjette appel d’un jugement rendu sur une action publique introduite par le ministère public au bénéfice du prévenu acquitté et du civilement responsable, n’est pas raisonnablement justifiée.

Dès lors que le constat de la lacune qui a été fait en B.7 est exprimé en des termes suffisamment précis et complets qui permettent l’application de la disposition en cause dans le respect des normes de référence sur la base desquelles la Cour exerce son contrôle, il appartient au juge a quo de mettre fin à la violation de ces normes.

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