En cas de vol de voiture, les assureurs opposent assez fréquemment à leur assuré un refus d’indemnisation en raison de l’impossibilité pour ce dernier de présenter les deux clés du véhicule qui a été volé.

Un tel refus peut souvent être raisonnablement contesté.

Dans le cadre de deux dossiers distincts, nous avons ainsi pu obtenir l’indemnisation de notre client.

Dans la 1ère affaire, l’assuré avait mentionné avoir perdu une des deux clés d’origine « il y a 4 ans sur le parking du travail de son épouse.”

L’assureur avait émis des réserves quant à son intervention aux motifs que son assuré avait perdu une des deux clés d’origine sans le lui signaler-et que le vol s’était déroulé de manière très rapide.

La Cour fit droit à la demande selon le raisonnement suivant :

La Cour requalifia la clause contractuelle (libellée comme une exclusion) en déchéance dès lors qu’elle a pour objet d’imposer à l’assuré de prendre des mesures de précaution avant tout sinistre sous peine d’être privé de la garantie d’assurance.

En l’espèce, il était établi que le véhicule était stationné sur la chaussée devant le domicile l’assuré et que celui-ci n’a jamais fait procéder au remplacement des serrures de son véhicule bien qu’il ait déclaré qu’une des deux clefs d’origine avait été perdue quatre ans auparavant.

II n’est toutefois pas démontré que ce manquement est en lien causal avec le sinistre.

Il ne se déduit pas de la déclaration de l’assuré que le vol n’a pu être commis qu’à l’aide de la clé manquante ou d’une copie de celle-ci.

Les différents articles déposés par la défense de l’assuré établissent qu’il est très facile de se procurer sur internet des outils électroniques permettant d’ouvrir et de démarrer un véhicule très rapidement ­sans disposer de la clé dudit véhicule et sans effraction.

L’hypothèse d’un vol électronique est en conséquence parfaitement plausible tandis que la thèse de l’assurance selon laquelle le voleur a dû retrouver la clé perdue sur le parking du lieu de travail de l’épouse de l’assuré et a pu facilement l’identifier comme étant la clé du véhicule assuré parait peu probable, d’autant que l’assuré a spontanément déclaré que la perte, de cette clé avait eu lieu 4 ans plus tôt.

Il s’ensuit que l’assureur reste en défaut d’établir que le vol ne serait pas produit tel qu’il est survenu in concreto si l’assuré avait remplacé les serrures des partes du véhicule après avoir perdu une clé.

L’assureur fait également valoir que l’assuré aurait dû, conformément à l’article 81 de la loi du 4 avril 2014, l’informer sans tarder de la disparition d’une clé, s’agissant d’un facteur d’aggravation du risque.

Le contrat d’assurance précisait les mesures de précaution à prendre en cas de perte de clé et il n’est partant pas établi que l’assureur n’aurait pas assuré le risque, ni qu’elle aurait augmenté les primes si l’aggravation avait existé au moment de la souscription du contrat.

Il semble au contraire qu’elle aurait conclu le contrat dans les mêmes conditions et l’aurait invité, comme prévu par le contrat, à remplacer les serrures.

L’assureur ne peut en conséquence invoquer l’article 81 de la loi du 4 avril 2014 pour refuser sa garantie.

***

Dans un autre litige, l’assureur invoquait la disposition suivante :

« Comment les dommages sont-ils réglés » dispose, quant à lui, que « (…) En cas de vol, il ne sera procédé au paiement de l’indemnité que si le bénéficiaire remet à la compagnie d’assurance les clés et/ou toute autre chose destinée à la commande des serrures ou au démarrage du véhicule, ainsi que les certificats de conformité et d’immatriculation du véhicule. A défaut de ces documents, une déclaration originale de dépossession involontaire du certificat d’immatriculation et du certificat de conformité délivrée par les autorités compétentes doit être transmise. »

La Cour rappellera qu’il existe deux types de déchéance, légale, d’une part et conventionnelle, d’autre part. Le législateur a prévu un certain nombre d’obligations qui peuvent être sanctionnées, en cas de manquement, par la déchéance de garantie (article 19 et 20 de la loi du 25 juin 1992/74 et 75 de la loi du 4 avril 2014) tandis que les parties peuvent, sous des conditions strictes (article 11 de la loi du 25 juin 1992/65 de la loi du 4 avril 2014), prévoir qu’un comportement déterminé de l’assuré sera sanctionné par la déchéance. Les cas de déchéance légale sanctionnent des manquements de l’assuré qui sont postérieurs au sinistre et ne trouvent à s’appliquer qu’en cas de dol de l’assuré alors que dans le cas de la déchéance conventionnelle, le manquement doit être en relation causale avec la survenance du sinistre et l’intention frauduleuse n’est pas requise.

En l’espèce, l’assureur invoquait un manquement postérieur au sinistre, soit la non-remise à l’assureur de l’ensemble des clés du véhicule après la survenance du vol.

Comme relevé par la défense de l’assuré, cette obligation ne s’inscrit pas dans les obligations de l’assuré après sinistre telles que reprises aux articles 19 et 20 de la loi du 25 juin 1992 (74 et 75 de la loi du 4 avril 2014).

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