De nombreuses questions nous parviennent en ce qui concerne la problématique de l’assurance et de l’abandon de recours du propriétaire contre son locataire.

Rappelons d’abord qu’en application de l’article 1733 du Code Civil, le locataire répond de l’incendie, à moins qu’il ne prouve que celui-ci s’est déclaré sans sa faute.

Conscient de ce que certains locataires risquent d’être en défaut d’assurance, les propriétaires décident fréquemment d’insérer dans leur contrat de bail une clause par laquelle ils renoncent à exercer un recours contre leur locataire.

Cette question deviendra fréquente dès lors que le Décret relatif au bail d’habitation énonce :

Sauf si les parties en conviennent autrement, le preneur contracte cette assurance préalablement à l’entrée dans les lieux. Il apporte la preuve du paiement des primes annuellement. Si le preneur reste en défaut d’apporter la preuve du paiement des primes dans le mois suivant l’entrée dans les lieux ou, ultérieurement, dans le mois suivant la date anniversaire de l’entrée dans les lieux, le bailleur peut solliciter auprès de son organisme assureur assurant l’habitation d’ajouter, au profit du preneur, une clause d’abandon de recours à son contrat d’assurance « habitation ». Dans ce cas, il peut en répercuter le coût au preneur. La franchise peut être laissée à charge du preneur si sa responsabilité est engagée.

Les conventions ne liant, en principe, que les parties, la question qui nous occupe est l’interaction entre le bail et les contrats d’assurance qui seraient souscrits par le propriétaire et/ou le locataire.

Rappelons, ensuite, le principe de la subrogation en matière d’assurance tel qu’exprimé par l’article 95 de la loi du 4.4.2014 :

1. L’assureur qui a payé l’indemnité est subrogé, à concurrence du montant de celle-ci, dans les droits et actions de l’assuré ou du bénéficiaire contre les tiers responsables du dommage.
2. Si, par le fait de l’assuré ou du bénéficiaire, la subrogation ne peut plus produire ses effets en faveur de l’assureur, celui-ci peut lui réclamer la restitution de l’indemnité versée dans la mesure du préjudice subi.
3. Sauf en cas de malveillance, l’assureur n’a aucun recours contre les descendants, les ascendants, le conjoint et les alliés en ligne directe de l’assuré, ni contre les personnes vivant à son foyer, ses hôtes et les membres de son personnel domestique. Toutefois l’assureur peut exercer un recours contre ces personnes dans la mesure où leur responsabilité est effectivement garantie par un contrat d’assurance.
En cas d’incendie, l’assureur qui indemnise le propriétaire dispose donc, sauf clause d’abandon de recours figurant dans le bail, d’un recours contre le locataire.

La situation du propriétaire

Il est essentiel de rappeler que le recours qu’exerce l’assureur est un recours qu’il exerce en lieu et place de son assuré, si bien qu’il ne pourrait exercer un recours contre le locataire si le propriétaire à renoncer à un tel recours.

Le propriétaire est donc tenu de signaler à son assureur qu’il a renoncé à un recours contre son locataire sous peine de se voir reprocher, soit une déclaration inexacte du risque, soit le fait qu’il est responsable, par son fait, de l’impossibilité de l’assureur d’exercer le recours subrogatoire et que le bailleur est donc tenu de rembourser l’indemnité qu’il aurait perçue.

Il appartient aussi au bailleur de veiller à ce que son propre contrat renferme une clause d’abandon de recours.

A cet égard, rappelons que l’abandon de recours contre un membre de la famille est gratuit, ce qui s’explique aisément puisque l’assureur n’a aucun recours contre les descendants, les ascendants, le conjoint et les alliés en ligne directe de l’assuré, ni contre les personnes vivant à son foyer, ses hôtes et les membres de son personnel domestique.

Enfin, et pour ne rien omettre, même si une partie de la prime est imputée au locataire au titre de charge, Le fait que les locataires n’auraient pas rempli leurs propres engagements de rembourser la moitié du prix de l’assurance à leur bailleur, n’affecte pas la validité de l’avenant souscrit par le bailleur contenant une clause d’abandon de recours contre les locataires.

La situation du locataire

Ainsi qu’il vient d’être rappelé, dès l’instant où figure dans le contrat de bail une clause d’abandon de recours du bailleur, le locataire est protégé…mais exclusivement à l’égard des recours du bailleur ou de son assureur.

Au risque de se répéter, l’assureur ne dispose d’un recours, non seulement que dans la mesure où le propriétaire a été intégralement indemnisé mais encore et surtout à la seule condition que le propriétaire n’ait pas renoncé à un tel recours.

Il faut simplement se méfier de certaines clauses de bail telles que : « si le bailleur a souscrit une police intégrale incendie avec abandon de recours contre le locataire, celui-ci ne doit assurer que le recours de tiers et son contenu »

Un litige pourrait survenir si le bailleur n’a pas souscrit une telle police. La renonciation ne peut donc être conditionnelle. Il est donc étonnant d’entendre certains formateur énoncer que la clause d’abandon de recours de son bail ne protègerait pas en cas de sous-assurance de la part du propriétaire ou du non payement de sa prime avec suspension de son contrat !

Soyons, enfin, attentif au fait que l’abandon de recours figurant au contrat de bail ne lie que les parties (voir supra pour la subrogation).

Ainsi, la Cour d’Appel de Bruxelles a considéré qu’une clause d’abandon de recours dans le bail ne peut pas être opposée par un locataire à un autre locataire puisqu’il y est étranger. En outre, une telle clause n’exclut pas la responsabilité sur la base de l’article 544 du Code civil pour troubles de voisinage en cas d’infiltration d’eau provenant de la partie occupée par un locataire et causant des dégâts dans la partie occupée par l’autre locataire.

Un tel abandon de recours du bailleur n’a, de même, aucune incidence sur un recours des voisins ou les dégâts subis par le locataire lui-même.

Cas de la copropriété

Un arrêt de la Cour d’Appel de Bruxelles conduit également à être particulièrement attentif au libellé des clauses d’abandon de recours.

Le contrat renfermait une clause d’abandon de recours contre les copropriétaires assurés conjointement mais précisait que l’abandon de recours ne joue que dans la mesure où le responsable n’est pas effectivement garanti par une assurance de responsabilité.

La police énonçait, par ailleurs, que les différents co-propriétaires devaient être considérés comme tiers entre eux.

Un co-propriétaire était responsable d’un dommage causé à un autre copropriétaire et avait assuré sa responsabilité.

La Cour considéra dès lors que le recours devait être accueilli d’autant que l’abandon de recours ne bénéficiait qu’au copropriétaire…et non à son assureur en raison de l’effet relatif des conventions et de la stricte interprétation à réserver aux renonciations.

Pas de commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *