La Cour de justice de l’Union européenne a été interrogée sur la question de savoir si l’article 2, point 3, de la directive 2002/92 doit être interprété en ce sens que relève de la notion d’«intermédiation en assurance » la réalisation de travaux préparatoires à la conclusion d’un contrat d’assurance, même en l’absence d’intention de l’intermédiaire d’assurance concerné de procéder à la conclusion d’un véritable contrat d’assurance.

Dans une première affaire, plusieurs personnes avaient confié des sommes à un intermédiaire d’assurance en vue de souscrire des produits liés à une assurance-vie, mais il était apparu ultérieurement que l’intermédiaire indélicat s’était approprié ces sommes.

Les victimes avaient intenté une action contre l’assureur de cet intermédiaire, faisant valoir qu’ils avaient donné pour instruction à celle-ci d’investir leur argent dans des assurances-vie en capital et qu’il avait, partant, été question d’intermédiation en assurance.

L’assureur a notamment répondu que les préjudices subis n’étaient pas nés de l’activité assurée puisque les produits en question étaient fictifs. Selon lui, les agissements ne relevaient pas d’une activité d’intermédiation en assurance.

La Cour suprême de Suède relève qu’en vertu de l’article 2, point 3, de la directive 2002/92, la notion d’« intermédiation en assurance » comprend même les travaux préparatoires et n’exige donc pas, pour que cette directive soit applicable, qu’un contrat d’assurance ait effectivement été conclu.

Cette juridiction s’interroge toutefois sur la pertinence, à cet égard, de l’intention de l’intermédiaire d’assurance concernant la conclusion d’un tel contrat ainsi que de la perception du consommateur.

La Cour de Justice rappelle qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2002/92, le champ d’application de celle-ci comprend, notamment, l’exercice de l’activité d’intermédiation en assurance, pour lequel cette directive établit des règles.

À cette fin, la notion d’«intermédiation en assurance » est définie à l’article 2, point 3, premier alinéa, de ladite directive comme étant « toute activité consistant à présenter ou à proposer des contrats d’assurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion ou à les conclure, ou à contribuer à leur gestion et à leur exécution, notamment en cas de sinistre ».

Il résulte du fait que les activités énumérées à cette disposition sont présentées en tant qu’alternatives que chacune constitue, à elle seule, une activité d’intermédiation en assurance. Ainsi que le conviennent la juridiction de renvoi et tous les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne qui se sont prononcés sur ce sujet dans leurs observations écrites, la réalisation de travaux préparatoires à la conclusion de contrats d’assurance relève de la notion d’ «intermédiation en assurance », qu’elle aboutisse ou non à la conclusion de tels contrats.

Afin de déterminer si l’exercice de l’activité d’intermédiation en assurance consistant en la réalisation des travaux préparatoires à la conclusion de contrats d’assurance, au sens de ladite disposition, est subordonné à l’existence d’une intention de l’intermédiaire d’assurance de procéder à la conclusion de ces contrats, il convient de rappeler que, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, notamment, arrêt du 23 janvier 2018, Piotrowski, C‑367/16, EU:C:2018:27, point 40 et jurisprudence citée).

S’agissant, d’abord, du libellé de l’article 2, point 3, de la directive 2002/92, il résulte, en particulier, des termes « activité », « présenter », « proposer », « réaliser » et « contribuer » que la notion d’« intermédiation en assurance » y est définie par référence aux seuls actes objectivement accomplis par l’intermédiaire d’assurance.

En revanche, aucun terme de cette disposition ne saurait être interprété comme indiquant que, pour se voir qualifier d’intermédiation en assurance, les activités qui y sont visées doivent être assorties d’une intention particulière dans le chef de cet intermédiaire.

En ce qui concerne, ensuite, le contexte de ladite disposition, l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2002/92 oblige les États membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les clients contre l’incapacité de l’intermédiaire d’assurance à transférer la prime à l’entreprise d’assurances.

En l’absence de précision contraire, il y a lieu de considérer que cette disposition vise la protection des clients contre toute incapacité dudit intermédiaire à effectuer un tel transfert, quelle qu’en soit la raison.

Par conséquent, cette protection doit couvrir l’impossibilité de transférer ladite prime à l’entreprise d’assurances également lorsqu’un employé de la société intermédiaire d’assurance se l’est appropriée dans le cadre de la réalisation de travaux préparatoires à la conclusion d’un contrat d’assurance.

Il convient enfin de rappeler que cette directive a notamment comme objectif, ainsi que cela ressort de ses considérants 8, 9 et 17, l’amélioration de la protection des consommateurs dans le domaine de l’intermédiation en assurance.

À cette fin, comme il est énoncé à ce considérant 9, toute personne et toute institution distribuant des produits d’assurance doivent être couvertes par ladite directive.

Or, premièrement, faire dépendre l’inclusion d’une activité dans le champ d’application de cette même directive de l’intention subjective de l’intermédiaire d’assurance qui l’exerce serait contraire au principe de sécurité juridique, au détriment des clients de cet intermédiaire.

Deuxièmement, ainsi que la Commission européenne le relève, une telle situation juridique aurait pour conséquence que l’intermédiaire d’assurance pourrait invoquer son propre comportement frauduleux pour échapper à la responsabilité qui lui incombe au regard de ses clients en vertu de la directive 2002/92.

Il découle de ce qui précède que la réalisation de travaux préparatoires à la conclusion de contrats d’assurance est une notion objective. Elle constitue donc une activité d’intermédiation en assurance, au sens de l’article 2, point 3, de cette directive, quelle que soit l’intention de l’intermédiaire d’assurance en ce qui concerne la conclusion ou non desdits contrats.

Il s’ensuit que le moment auquel l’absence d’intention de l’intermédiaire de conclure les contrats d’assurance survient ainsi que la perception subjective des clients concernés relative à l’activité dudit intermédiaire consistant en la réalisation de travaux préparatoires à la conclusion de contrats d’assurance sont sans pertinence aux fins de la qualification de cette activité d’intermédiation en assurance, au sens de ladite disposition.

Par conséquent, il convient de répondre à la question que l’article 2, point 3, de la directive 2002/92 doit être interprété en ce sens que relève de la notion d’« intermédiation en assurance » la réalisation de travaux préparatoires à la conclusion d’un contrat d’assurance, même en l’absence d’intention de l’intermédiaire d’assurance concerné de procéder à la conclusion d’un véritable contrat d’assurance.

Pas de commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *