Dans de nombreux dossiers récents, il a été débattu de la notion de contrat de crédit lié. Il en est notamment ainsi dans le cadre des litiges relatifs aux panneaux photovoltaïques dans le cadre desquels, certaines banques avaient libéré les sommes empruntées alors que les panneaux n’avaient pas été livrés.

Ainsi, également, dans le cadre d’un litige récent traité par notre cabinet, se posait la question de la libération par la banque d’un montant emprunté sur base d’un simple bon de commande d’un véhicule.

Par son arrêt du 24 janvier 2020, la Cour de Cassation vient de clarifier cette notion.

Le jugement attaqué se fondait sur les motifs suivants :

« La loi sur le crédit à la consommation et, en particulier, les articles 10, 11 et 15 de celle-ci, imposent le devoir de conseiller la meilleure forme de crédit eu égard au but de celui-ci et, partant, oblige le prêteur à s’enquérir du but du crédit ; la [demanderesse] avait ainsi un rôle actif, devant interroger adéquatement [le défendeur] afin d’avoir les informations nécessaires lui permettant de prendre une décision d’octroi de crédit la plus adéquate pour ce dernier.

De plus, l’article 14, en son second paragraphe, au point 7, de la loi sur le crédit à la consommation impose de mentionner dans le contrat, le cas échéant, la spécification du bien ou du service financé.

La [demanderesse] ne peut donc pas invoquer son ignorance du but du crédit pour justifier l’absence de mention dans le contrat qui, in casu, reprend la mention “Éco-crédit habitation”.

En outre, il ressort des éléments du dossier que la [demanderesse] avait une parfaite connaissance du but du crédit.

(…)

Le jugement attaqué en conclut que, “en conséquence de l’ensemble de ces éléments, compte tenu des manquements fautifs de la [demanderesse] ainsi relevés, il y a lieu, que ce soit en application de l’article 86 de la loi sur le crédit à la consommation ou en application de la réparation intégrale du dommage subi par [le défendeur] en lien causal avec les fautes commises par la [demanderesse] dans le cadre de conseiller professionnel de crédit, non seulement de libérer [le défendeur] de toute obligation de remboursement futur, mais également de condamner la [demanderesse] à le rembourser des sommes qu’il a versées en exécution du contrat litigieux”.

Dans le cadre de son pourvoi, la banque soutenait en substance :

Aux termes de l’article 1er, 20°, de la loi sur le crédit à la consommation :
“le contrat de crédit lié [est] un contrat de crédit en vertu duquel :

  1. le crédit en question sert exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou à la prestation de services particuliers, et
  2. ces deux contrats constituent, d’un point de vue objectif, une unité commerciale. Une unité commerciale est réputée exister lorsque le fournisseur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit au consommateur ou, en cas de financement par un tiers, lorsque le prêteur recourt aux services du fournisseur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit ou lorsque des biens particuliers ou la fourniture d’un service particulier sont mentionnés spécifiquement dans le contrat de crédit”.

Il en résulte qu’il est question de “crédit lié” lorsque le crédit a pour unique but de financer l’achat d’un bien particulier et que la vente forme avec le crédit une unité commerciale, qui est réputée exister dans trois hypothèses :

  • • lorsque le vendeur finance lui-même le crédit au consommateur : le vendeur endosse également le rôle de prêteur en concluant une vente à tempérament avec le consommateur ;
  • lorsque le prêteur fait appel aux services du vendeur pour la conclusion ou à tout le moins la préparation du contrat de crédit : il s’agit notamment des hypothèses dans lesquelles le vendeur intervient en tant que sous-agent ou agent à titre accessoire, à tout le moins, du moins, si le prêteur a connaissance de son intervention en une telle qualité ;
  • lorsqu’un bien particulier est spécifiquement mentionné dans le contrat de crédit : à savoir, lorsque l’article 14, § 2, 7°, de la loi sur le crédit à la consommation impose de mentionner dans le contrat de crédit le bien financé et son prix au comptant, le législateur semblant, à première vue, consacrer de la sorte un regrettable renvoi circulaire entre ces deux dispositions.

Aux termes de cette dernière disposition, en effet, “le contrat de crédit mentionne, de façon claire et concise : (…) 7° si le crédit est accordé sous la forme d’un délai de paiement pour un bien ou un service donné ou, dans le cas des contrats de crédit liés, ce produit ou service et son prix au comptant”.

La Cour a précisé, par un arrêt du 28 mars 2019, que lorsque (i) il n’est pas établi que la banque avait connaissance de l’existence du contrat financé et que (ii) l’identité du vendeur ou prestataire de services n’était pas connue par le prêteur, le juge ne peut légalement décider que le crédit litigieux est un crédit lié au sens de l’article 1er, 20°, de la loi sur le crédit à la consommation sur la base des seuls motifs suivant lesquels (i) les deux contrats constituent, d’un point de vue objectif, une unité commerciale car l’un n’allait pas sans l’autre et (ii) que, parce que la préparation du contrat de crédit s’est faite grâce aux services du fournisseur, la loi réputerait cette unité commerciale.

Il en résulte que le simple fait qu’un contrat de crédit soit conclu avec pour objet le financement d’un bien ou d’un service particulier ne suffit pas à le qualifier de “lié” au sens de l’article 1er, 20°, de la loi sur le crédit à la consommation, à défaut d’unité commerciale objective suffisante.

La banque faisait alors grief au jugement attaque d’assimiler de la sorte la connaissance du fait que le crédit est destiné à financer un bien ou un service particulier et de l’identité du fournisseur de ce bien ou de ce service avec le fait qu’il existerait une unité commerciale objective entre le contrat de crédit et le contrat financé.

La Cour de Cassation refusera de casser la décision querellée au motif suivant :

En vertu de l’article 1er, 20°, de la loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation qui assure la transposition en droit belge de l’article 3, n), de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, le contrat de crédit lié est un contrat de crédit en vertu duquel le crédit en question sert exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou à la prestation de services particuliers, et ces deux contrats constituent, d’un point de vue objectif, une unité commerciale.

Une unité commerciale est réputée exister lorsque le fournisseur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit au consommateur ou, en cas de financement par un tiers, lorsque le prêteur recourt aux services du fournisseur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit ou lorsque des biens particuliers ou la fourniture d’un service particulier sont mentionnés spécifiquement dans le contrat de crédit.

En son considérant 37, la directive précitée précise, à propos du droit de rétractation dans le cas d’un contrat de crédit lié au sens de l’article 3, n), qu’en cas de contrats de crédit liés, il existe un rapport de dépendance réciproque entre l’achat de biens ou services et le contrat de crédit conclu à cette fin.

Il s’ensuit sans aucun doute raisonnable que l’unité commerciale objective requise doit exister, non entre le prêteur et le fournisseur ou le prestataire, mais entre l’achat de biens ou services et le contrat de crédit conclu à cette fin.

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