L’article 88, §§ 1er et 2, de la loi du 4 avril 2014 sur les assurances prévoit des délais nettement plus courts que, par exemple, les délais pour action en nullité pour défaut de validité du contrat, ou pour action personnelle ou responsabilité extracontractuelle. Pourquoi cette différence de traitement, notamment entre les produits financiers et les assurances de la branche 23 ? La Cour Constitutionnelle a été saisie de la question et y répond dans un arrêt du 22 octobre 2020.

Des assurés ayant versé des primes dans le cadre de ces polices dans différents fonds d’investissement qui avaient été suspendus postulaient la nullité de ces polices et mettent en cause la responsabilité précontractuelle ou, à tout le moins, contractuelle de la compagnie d’assurances.

La compagnie d’assurances faisait valoir que l’action était prescrite selon l’article 88, § 1er, de la loi du 4 avril 2014 « relative aux assurances », les actions dérivant du contrat d’assurance sont prescrites au terme d’une période de trois ans, prenant cours le jour de l’évènement qui donne ouverture à l’action ou de la connaissance de celui-ci et, en tout état de cause, sans pouvoir excéder cinq ans à dater dudit événement, le cas de fraude excepté.

Dès lors que les manquements reprochés trouvent leur origine dans une absence d’information ou de conseil préalablement à la conclusion des contrats dont la nullité est postulée, les demandes seraient prescrites.

La Cour Constitutionnelle est alors saisie de la problématique au motif, notamment qu’il existerait une discrimination entre les personnes qui ont investi dans des produits d’assurance-vie de type branche 23, liés à des fonds d’investissement, et qui sont soumises à un délai de prescription réduit, et celles qui ont investi dans des instruments financiers ou produits d’épargne, liés aussi à des fonds d’investissement, et qui sont soumises au droit commun de la prescription.

La Cour Constitutionnelle tient le raisonnement suivant :

En matière de prescription, la diversité des situations est telle que des règles uniformes ne seraient généralement pas praticables et que le législateur doit pouvoir disposer d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’il règle cette matière. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l’application de délais de prescription différents dans des circonstances différentes n’est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l’application de ces délais de prescription entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

Les catégories de personnes évoquées ci-devant se trouvent dans des circonstances objectivement différentes, compte tenu des caractéristiques respectives des produits dans lesquels elles ont investi et de la nature du contrat qu’elles ont conclu à cet effet, à savoir un contrat d’assurance ou un autre contrat.

Certes, les contrats d’assurance-vie de type branche 23 présentent des similitudes, sur le plan économique, avec les contrats par lesquels un particulier opère un placement dans un instrument financier ou dans un produit d’investissement lié à ou impliquant aussi un fonds sous-jacent à cet instrument ou produit, en ce que, d’une part, ils sont tous les deux liés à des fonds d’investissement ou de placement et en ce que, d’autre part, le particulier supporte seul le risque financier.

Ils n’en revêtent pas moins les caractéristiques principales du contrat d’assurance, notamment en ce qui concerne la possibilité, pour le preneur, de désigner un bénéficiaire autre que lui-même et l’existence d’un aléa, lié à la vie de l’assuré, et sont soumis, à ce titre, à la réglementation applicable en la matière, outre un régime fiscal avantageux.

Contrairement à ce que les parties demanderesses devant le juge a quo soutiennent, le processus de « mifidisation » du droit des assurances n’implique pas que les régimes des assurances-vie de type branche 23 et des instruments financiers devraient être complètement alignés, y compris sur le plan de la prescription.

L’instauration d’un bref délai de prescription de trois ans en ce qui concerne les actions dérivant du contrat d’assurance n’est pas dénuée de justification raisonnable, eu égard à la volonté du législateur de prévenir le risque de déperdition des preuves en cas de sinistre, comme l’indiquent les travaux préparatoires de la disposition ayant institué ce délai (Doc. parl., Chambre, 1869-1870, n° 57, p. 28; Doc. parl., Sénat, 1872-1873, n° 43, p. 10), ainsi qu’à la nécessité de garantir le bon fonctionnement des compagnies d’assurances.

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