Véhicule 25 km/heure et assurance

L’article 1er, alinéa 1er, de la loi du 21 novembre 1989 définit la notion de « véhicule automoteur » comme suit :

« les véhicules destinés à circuler sur le sol et qui peuvent être actionnés par une force mécanique sans être liés à une voie ferrée ; tout ce qui est attelé au véhicule est considéré comme en faisant partie ».

Lorsqu’un véhicule est considéré comme un véhicule automoteur, son propriétaire est en principe tenu de contracter une assurance de la responsabilité civile lorsque le véhicule circule sur la voie publique et sur les terrains ouverts au public ou les terrains non publics, mais ouverts à un certain nombre de personnes ayant le droit de les fréquenter (article 2 de la loi du 21 novembre 1989).

Cette assurance obligatoire entend notamment garantir la réparation du dommage subi par les victimes d’un accident de roulage et leurs ayants droit.

L’article 43 de la loi du 2 mai 2019 a inséré un article 2bis dans la loi du 21 novembre 1989 :

« Ne sont pas soumis à l’obligation d’assurance visée à l’article 2, § 1er, les véhicules automoteurs visés à l’article 1er, alinéa 1er, qui par la force mécanique ne dépassent pas 25 km/h.

Restent soumis à l’obligation d’assurance visée à l’article 2, § 1er, les cyclomoteurs de classe A tels que définis à l’article 2, 2,17, 1), de l’arrêté royal du 1er décembre 1975 portant règlement général sur la police de la circulation routière et de l’usage de la voie publique ».

Selon les travaux préparatoires, l’exonération de l’obligation d’assurance s’inscrit dans le cadre de la possibilité, offerte par l’article 5 de la directive 2009/103/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 « concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité », d’exclure les bicyclettes électriques ou d’autres nouveaux véhicules automoteurs électriques de l’assurance obligatoire de la responsabilité civile automobile.

L’objectif de article 43 de la loi du 2 mai 2019 qui a inséré un article 2bis était d’adapter l’obligation d’assurance à la commercialisation récente de nouveaux véhicules automoteurs électriques dans la mesure où l’interprétation stricte de la définition à l’article 1er de la loi RC auto, en particulier l’aspect concernant la capacité à rouler de manière autonome, mène :

  1. à ce que certains vélos électriques, les engins de déplacement motorisés et les chaises roulantes électriques relèveraient en général de l’obligation d’assurance et ;
  2. à ce que leurs utilisateurs tomberaient hors du champ d’application du système d’indemnisation légale automatique de l’article 29bis loi RC auto (usagers faibles) » (Doc. parl., Chambre, 2018-2019, DOC 54-3570/001, p. 33).

En faisant cette modification, le législateur permettait que, pour l’application de la responsabilité objective prévue par l’article 29bis, les véhicules visés dans le nouvel article 2bis, alinéa 1er, de la loi du 21 novembre 1989 ne sont pas considérés comme des véhicules automoteurs, mais comme des véhicules détenus par des usagers faibles.

Par contre, si les vélos électriques qui par la force mécanique ne dépassent pas 25 km/h n’étaient pas soumis à l’obligation d’assurance, les cyclomoteurs classe A demeuraient soumis à l’obligation d’assurance.

La justification de cette différence de traitement entre les cyclomoteurs classe A et les vélos électriques résidait :

  • dans le constat que ces cyclomoteurs sont déjà soumis depuis longtemps à l’obligation d’assurance.
  • dans la différence entre les véhicules exonérés et les cyclomoteurs classe A sur la base de l’énergie « cinétique » du véhicule, faisant intervenir, d’une part, la vitesse et, d’autre part, la masse du véhicule

Si le premier critère était critiqué par la section de législation du Conseil d’État, le second critère était considéré comme pertinent :

Etant donné qu’un cyclomoteur classe A pèse vite 80 à 100 kg et qu’un vélo électrique, y compris sa batterie, pèse en moyenne 20 à 30 kg, il est justifié de maintenir l’obligation d’assurance pour le cyclomoteur classe A. En effet, l’énergie cinétique à une vitesse identique est significativement plus élevée.

Différents tribunaux ont alors interrogé la Cour Constitutionnelle sur la différence de traitement entre les cyclomoteurs classe A, d’une part, et d’autres véhicules dont la vitesse autonome est également limitée à 25 km/h, mais qui ont une masse supérieure à celle des cyclomoteurs classe A, d’autre part.

Dans le 1er cas, un prévenu poursuivi pour défaut d’assurance faisait valoir que l’obligation, pour les cyclomoteurs classe A, de disposer d’une assurance de la responsabilité était discriminatoire, étant donné que d’autres véhicules, comme les trottinettes et bicyclettes électriques, ne sont pas soumis à cette obligation.

Dans le second cas, le prévenu avait mis en circulation une nacelle élévatrice sans disposer de l’assurance obligatoire RC automobile. Il faisait valoir que le véhicule, dont la vitesse maximale ne dépasse pas 25 km/h et qui n’est pas un cyclomoteur classe A, relève, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 2 mai 2019 de l’exception prévue par l’article 2bis et n’était donc pas tenu de l’obligation d’assurance.

La Cour Constitutionnelle relève alors qu’il ressort des travaux préparatoires que le législateur voulait soumettre spécifiquement les cyclomoteurs classe A à l’obligation d’assurance, bien que leur vitesse maximale ne dépasse pas 25 km/h, parce que la masse de tels cyclomoteurs, combinée avec la vitesse maximale autorisée, comporte certains risques et que, selon sa propre jurisprudence, que le législateur avait pu raisonnablement considérer que les conducteurs de cyclomoteurs classe A ne relevaient pas des usagers faibles, dans la mesure où ils conduisent un type de véhicule automoteur dont la mise en circulation constitue en soi un danger pour les autres usagers de la voie publique.

La Cour Constitutionnelle en conclut alors que s’il n’est pas sans justification raisonnable de soumettre à l’obligation d’assurance les cyclomoteurs classe A, dont la masse, combinée avec la vitesse maximale autorisée, implique en général une énergie cinétique supérieure, il n’est en revanche pas raisonnablement justifié d’exonérer de l’obligation d’assurance tous les autres véhicules qui ne satisfont pas à la définition de cyclomoteur classe A, quelle que soit leur masse, sur la seule base de leur vitesse autonome maximale.

La disposition légale ne contient toutefois qu’une exigence en matière de vitesse maximale et, pour l’exonération, il n’est pas tenu compte de la masse du véhicule concerné.

La flexibilité nécessaire pour tenir compte de l’évolution rapide de ce nouveau type de véhicules ne justifie pas davantage que ces véhicules soient exonérés de l’obligation d’assurance simplement en raison de la vitesse autonome maximale et en raison du fait qu’ils ne sont pas considérés comme des cyclomoteurs classe A. En effet, cette évolution rapide complique également les prévisions, par exemple, en matière de masse de nouveaux véhicules de ce genre et, en général, en matière de risques d’accident de roulage.

La Cour dit alors pour droit que :

L’article 2bis, alinéa 1er, de la loi du 21 novembre 1989 « relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs », tel qu’il a été inséré par l’article 43 de la loi du 2 mai 2019 « portant dispositions diverses en matière d’économie », viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu’il dispose que les véhicules automoteurs visés à l’article 1er, alinéa 1er, qui, par la force mécanique, ne dépassent pas 25 km/h, sont exonérés de l’obligation d’assurance visée à l’article 2, § 1er, de la loi du 21 novembre 1989 précitée, sans prendre en considération la masse de ces véhicules automoteurs.

Les enseignements de cet Arrêt ne sont pas aisés.

Rappelons d’abord les effets d’un arrêt rendu sur question préjudicielle. La juridiction qui a posé la question préjudicielle, ainsi que toute autre juridiction appelée à statuer dans la même affaire (par exemple, en degré d’appel), est tenue, pour la solution du litige à l’occasion duquel a été posée la question préjudicielle, de se conformer à la réponse donnée par la Cour.

Si la Cour a constaté une violation, la norme législative subsiste dans l’ordre juridique.

A mon sens, les cyclomoteurs classe A doivent bien être assurés ; les autres véhicules qui ne satisfont pas à la définition de cyclomoteur classe A, sur la seule base de leur vitesse autonome maximale et qui implique en général une énergie cinétique inférieure à un cyclomoteur classe A, ne doivent pas être assurés et leur utilisateur sera considéré comme usager faible.

Restent les véhicules qui ne satisfont pas à la définition de cyclomoteur classe A, sur la seule base de leur vitesse autonome maximale, mais qui implique en général une énergie cinétique supérieure. De tels véhicules ne devraient pas pouvoir bénéficier de l’exception prévue par l’article 2bis.

Il faut espérer néanmoins une intervention rapide du législateur….pour définir éventuellement la masse maximale des véhicules concernés.

Protection juridique et frais de défense

Dans le cadre d’un litige, il est communément admis que la victime est fondée à récupérer les frais de médecin conseil dès lors qu’ils font partie intégrante de son dommage. Il lui est parfois opposé que sa demande serait irrecevable à défaut d’intérêt dès lors que ces frais n’auraient pas été exposés par lui mais par son assureur protection juridique.

Un jugement du tribunal de police de Liège du 1/3/2018 rejette à juste titre ce moyen de défense au terme d’une argumentation pertinente.

Il importe peu que ces frais aient, le cas échéant, été exposés par l’assureur protection juridique de la victime.

L’assurance protection juridique est de type indemnitaire et, lorsque les frais avancés peuvent être récupérés à charge de tiers, l’assureur est en droit de les réclamer sur la base de l’article 41 de la loi du 25 juin 1992 (E. Jacques et R. D’hondt, « Actualités en matière d’assurance protection juridique : évolutions normatives », D.C.C.R., 2007/4, p. 24).

Cette solution réside dans l’application de la technique juridique du prête-nom, auquel la pratique et la doctrine du droit des assurances recourent fréquemment pour justifier la licéité d’une action mue par le subrogeant (l’assuré), mais au nom du subrogé (l’assureur qui paye) (cfr G. Closset-Marchal, « La répétibilité des honoraires d’avocat à l’aune du droit judiciaire », R.G.A.R., 2005, no 13945).

Les parties au contrat d’assurance peuvent décider que c’est l’assuré qui va exercer, en son nom, mais pour le compte de son assureur, le recours dont ce dernier bénéficie contre le tiers responsable en vertu de la subrogation.

L’assureur protection juridique n’est donc plus tenu, en pareille hypothèse, d’apparaître formellement à la cause. L’assuré se charge d’exercer lui-même contre le tiers responsable les droits qu’il a transférés à son assureur par le biais de la subrogation et s’engage par ailleurs à céder à cet assureur le résultat de l’action ainsi mise en oeuvre (cfr V. Callewaert et B. Deconinck, « La répétibilité des frais et honoraires d’avocat après l’arrêt de la Cour de cassation du 2 septembre 2004 : “responsabilité et assurances” », R.G.A.R. 2005, no 13944).

Le subrogé peut exercer les droits acquis en vertu de la subrogation sous couvert du nom du subrogeant, créancier originaire, qui agit alors en qualité de prête-nom, donc en son nom propre et apparemment pour son compte dans les rapports entre ces parties, pour autant qu’elles n’agissent pas en fraude des droits du débiteur (cfr R. Van Ommeslaghe, « Le paiement avec subrogation et le droit des assurances », in Mélanges Philippe Gérard, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 99, no 20).

La défenderesse n’invoque pas que le demandeur et son assureur protection juridique agiraient en fraude de ses droits.

Il faut, par ailleurs, relever que :

Il n’est jamais fait grief à la victime de réclamer le paiement des dépens (alors que contractuellement, ceux-ci reviennent – à tout le moins à concurrence des frais exposés – à l’assureur protection juridique).

Sauf à entrer dans les décomptes entre l’assureur protection juridique et son assuré, il peut arriver que le plafond de la garantie soit dépassé et que l’assuré ait, dès lors, supporté lui-même une partie de ses frais de défense. Dans cette hypothèse, il est bon de rappeler que « La subrogation ne peut nuire à l’assuré ou au bénéficiaire qui n’aurait été indemnisé qu’en partie. Dans ce cas, il peut exercer ses droits, pour ce qui lui reste dû, de préférence à l’assureur. »