Si dans le cadre d’un accident de la circulation, les responsabilités sont partagées et qu’un des deux véhicules est conduit par une personne qui n’en est pas la propriétaire, l’assureur de l’autre véhicule est tenu d’indemniser le propriétaire du véhicule de la totalité de son dommage dès lors que la faute du conducteur du véhicule n’est pas opposable au propriétaire du véhicule.

À l’inverse, la faute du conducteur du véhicule qui est propriétaire de son véhicule est opposable à son assureur qui ne percevra, dès lors, que la moitié du dommage résultant de l’accident.

Il y a donc une différence de traitement selon que le conducteur coresponsable de l’accident est propriétaire ou non du véhicule endommagé. Si le véhicule était conduit par son propriétaire, celui-ci ne peut réclamer à charge de l’autre coresponsable et de son assureur que l’indemnisation de leur quote-part de responsabilité car sa propre faute lui est opposable.

En revanche, si le véhicule était conduit par une personne autre que son propriétaire, celui-ci peut réclamer à l’autre coresponsable et à son assureur l’ensemble de son dommage, dans le cadre de l’obligation à la dette, car la faute du conducteur n’est pas opposable au propriétaire du véhicule.

Dans ce dernier cas, le coresponsable ne bénéficie pas du recours contributoire contre l’assureur du véhicule endommagé conduit par l’autre coresponsable. Selon que le véhicule endommagé était conduit par son propriétaire ou par une autre personne, l’obligation du coresponsable, dans le cadre de l’obligation à la dette, n’est pas garantie de la même façon.

Dans le cadre d’une procédure ayant conduit à un arrêt prononcé le 25 mai 2022, la cour constitutionnelle a eu l’occasion d’examiner cette problématique.

La question préjudicielle porte sur l’article 3, § 1er, de la loi du 21 novembre 1989 « relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs » (ci-après : la loi du 21 novembre 1989), qui, avant sa modification par l’article 4 de la loi du 31 mai 2017 « modifiant la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs », disposait :

« L’assurance doit garantir l’indemnisation des personnes lésées chaque fois qu’est engagée la responsabilité civile du propriétaire, de tout détenteur et de tout conducteur du véhicule assuré, …

[…]

Toutefois, peuvent être exclus de l’assurance, les dommages :

1° au véhicule assuré;

En vertu de cette disposition, le contrat-type d’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs exclut de l’assurance les dommages causés au véhicule assuré, de sorte que, lorsque la responsabilité du conducteur du véhicule assuré est engagée, le dommage subi par ce véhicule n’est pas indemnisé par l’assureur de la responsabilité du propriétaire de ce véhicule.

La question est de  savoir si la disposition en cause est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’elle permet à l’assureur de la responsabilité civile du conducteur coresponsable de l’accident de décliner sa garantie pour les dommages causés au véhicule assuré, de sorte que l’autre coresponsable de l’accident, qui a indemnisé ce dommage pour sa totalité dans le cadre de l’obligation in solidum à la dette, ne peut mobiliser la garantie de l’assureur précité.

La différence de traitement que la Cour est invitée à examiner repose sur le critère suivant : soit le véhicule pour lequel un des coresponsables de l’accident a indemnisé l’ensemble du dommage est le véhicule qui fait l’objet du contrat d’assurance de la responsabilité civile du véhicule conduit par l’autre coresponsable de l’accident, soit le véhicule endommagé est étranger à ce contrat d’assurance. Dans le premier cas, l’assureur peut décliner sa garantie pour couvrir le dommage causé au véhicule qu’il assure, alors que, dans le second cas, l’assureur ne peut refuser sa garantie pour couvrir le dommage causé à un véhicule étranger à ce contrat. Ce critère est objectif.

L’article 3 de la loi du 21 novembre 1989 s’inscrit dans le cadre d’un régime fondé sur la responsabilité et sur les assurances de la responsabilité. Il concerne les hypothèses dans lesquelles « est engagée la responsabilité civile » du propriétaire, du détenteur ou du conducteur du véhicule assuré. L’assurance de la responsabilité civile obligatoire des véhicules automoteurs a pour vocation d’intervenir pour réparer le dommage causé à des tiers par la faute de l’assuré et non pour réparer le dommage que l’assuré se cause à lui-même. Ce dernier dommage peut par contre être pris en charge par une assurance qui couvre les dégâts matériels occasionnés au véhicule.

L’exclusion de l’indemnisation des dommages matériels causés au véhicule assuré par la faute du conducteur de ce véhicule est dès lors cohérente par rapport au régime de responsabilité civile auquel se rattache l’assurance concernée.

Le coresponsable de l’accident n’est pas dépourvu de moyens de droit pour récupérer, auprès du conducteur du véhicule automoteur endommagé, la partie de ses débours qui correspond à la part de responsabilité de ce conducteur. Si le véhicule était conduit par son propriétaire, qui est la personne préjudiciée, le coresponsable peut lui opposer sa propre faute pour refuser d’indemniser la part du préjudice qui correspond à sa part de responsabilité. Si le véhicule était conduit par une autre personne, le coresponsable dispose d’un recours contre cette personne pour récupérer auprès d’elle la part de ses débours qui correspond à sa part de responsabilité.

La disposition en cause, en ce qu’elle empêche le coresponsable de l’accident de faire appel, en sus, à l’assureur de la responsabilité civile du véhicule endommagé, ne produit donc pas des effets disproportionnés pour le coresponsable de l’accident qui a indemnisé la totalité du dommage subi par le propriétaire du véhicule.

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