Parcourir les décisions qui ont été publiées sur le site de Juridat permet, non un rappel exhaustif de la matière, mais l’évocation de problématiques qui devraient susciter l’intérêt d’un expert désigné par les tribunaux.

Il est souvent professé que les constatations matérielles faites par un expert et qui n’auraient pas été contredites par les parties avant la rédaction du rapport auraient une valeur probante jusqu’à inscription de faux.

Dans un Arrêt du 21.01.2011, la Cour de Cassation a contredit cette affirmation péremptoire au motif que « il n’existe aucune disposition légale qui impose qu’une expertise ait « un caractère authentique » de manière à ce que le juge ne pourrait plus apprécier l’exactitude des constatations techniques de l’expert.

Force est de reconnaître que certaines parties (ou leurs conseils) ne respectent pas toujours les délais fixés par l’expert pour formuler leurs observations. L’article 976, alinéa 2 prévoit qu’il ne tient aucun compte des observations qu’il reçoit tardivement.

Dans un Arrêt de la Cour du Travail de Liège du 15.3.2011 rappelle que cette même disposition prévoit que le juge peut écarter ces observations d’office. Mais souligne que c’est une faculté dont dispose le juge. Il doit apprécier l’opportunité de cet écartement .

Avec pragmatisme, la Cour poursuit en considérant que le juge ne doit pas nécessairement ordonner une nouvelle expertise. Il doit au contraire veiller à n’ordonner d’expertise que lorsque celle-ci est indispensable. S’il dispose des éléments pour statuer, il doit rejeter la demande d’expertise et statuer lui-même sur la contestation qui lui est soumise.

La Cour de Cassation s’est penchée sur le rôle de l’expert dans le cadre d’une saisie-description qui peut être effectuée afin de constater une atteinte à un droit de propriété intellectuelle.

l’expert désigné par le juge peut se faire remettre et procéder à la description des outils de reproduction et de tous objets et procédés prétendus contrefaits, ainsi que des plans, documents, calculs, écrits, de nature à établir la contrefaçon, et des ustensiles qui ont directement servi à la fabrication.

Il est donc mis en possession de pièces qui participent du secret des affaires et ce alors même qu’il n’est pas établi à cet instant qu’il y a eu contrefaçon.

La Cour de Cassation a alors dit pour droit qu’il ne ressort pas de l’article 976, alinéa 1er, du Code judiciaire que l’expert chargé d’effectuer une saisie-description doive joindre à son rapport toutes les pièces sur lesquelles il se fonde pour établir sa description.

L’article 962, dernier alinéa, du Code judiciaire ne saurait s’appliquer à la procédure de saisie en matière de contrefaçon, dans le cadre de laquelle l’expert, qui doit se limiter à des constatations matérielles et objectives, c’est-à-dire à une simple description, ne donne pas d’avis, même factuel, sur un aspect du litige.

Le 24.3.2011 la Cour d’Appel de Bruxelles a également eu l’occasion de se prononcer sur la problématique de l’expertise portant sur des données confidentielles protégées par le secret des affaires.

En cette espèce, le demandeur qui souhaitait obtenir réparation du dommage éprouvé répugnait à communiquer de telles données sensibles à son concurrent.

La Cour d’Appel a considéré qu’il ne peut être admis de pénaliser un demandeur, en le contraignant à renoncer au bénéfice du secret de ses données commerciales sensibles s’il veut réclamer l’entièreté de son dommage.

Le demandeur communiqua alors des données confidentielles au seul expert dont la défenderesse ne put prendre connaissance, mais, en vue de garantir les droits de la défense, il sera demandé à l’expert de vérifier plus particulièrement si le tableau produit qui lui, n’était pas confidentiel correspond bien au données qui devaient demeurer confidentiel.

Par ailleurs, la défenderesse désigna un réviseur d’entreprise qui pourra consulter et vérifier les informations se trouvant dans le dossier. Pour garantir le respect de la confidentialité de ces données, ce réviseur signa une déclaration par laquelle il s’engage, sous sa responsabilité personnelle, à ne pas en divulguer le contenu à quelque personne que ce soit, même partiellement à sa mandante.

Le 27.5.2011, la Cour dut examiner les difficultés trouvant leur origine dans le fait que l’expertise devait se dérouler tant en Belgique qu’à l’étranger.

Selon l’article 17 du règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale lorsqu’une juridiction souhaite procéder directement à un acte d’instruction dans un autre État membre, elle doit présenter une demande à l’organisme central ou à l’autorité compétente de cet État.

Un acte d’instruction est exécuté par un magistrat ou par toute autre personne, par exemple un expert, désignés conformément au droit de l’État.

Une question préjudicielle a, dès lors été posée à la Cour de Justice Européenne pour savoir si le juge qui ordonne une expertise judiciaire qui doit être exécutée en partie sur le territoire de l’État membre dont relève le juge, mais aussi en partie dans un autre État membre, doit, pour l’exécution directe de cette dernière partie, présenter une telle demande ou si l’expert

peut aussi être chargé d’une expertise qui doit en partie être exécutée dans un autre État membre de l’Union européenne ?»

La Cour d’Appel de Liège a invalidé un rapport dans lequel elle ne trouvait pas d’élément suffisant de conviction et qui s’avèraient en conséquence non utiles à la solution du litige.

Pour éviter que des expertises ne se poursuivent indéfiniment, le Tribunal du Travail de Mons  dans une décision bien charpentée du 7.12.2011 a éloquemment écrit que lorsque le juge a recours aux lumières d’un expert en vue de départager les opinions divergentes des parties, c’est parce qu’il ne dispose pas des éléments pour statuer lui-même ou parce qu’il ne possède pas les compétences requises. Il convient en conséquence de faire confiance à l’expert sauf s’il est démontré que ce dernier a commis une erreur.

Il ne suffit donc pas de marquer son désaccord avec les conclusions d’un médecin expert pour justifier qu’il soit recouru à une nouvelle expertise ou d’écarter ces conclusions. Lorsque l’argumentation développée pour contester les conclusions de l’expert n’est que l’expression réitérée de l’appréciation médicale divergente déjà exprimée dans l’acte introductif d’instance, celle-ci ne peut suffire à rejeter les considérations motivées de l’expert judiciaire. Cette opinion est largement reprise dans une autre décision du même siège du 22.12.2011

Statuant sur la question du remplacement d’un expert, la Cour du travail, dans un arrêt du 19.12.2011 a rappelé que la décision de remplacement n’était pas appelable par l’expert dans la mesure où il n’était pas partie mais un auxiliaire de justice. L’expert n’a pas d’intérêt personnel.

La procédure concernant le remplacement de l’expert constitue un incident de l’expertise et ne donne pas lieu à une condamnation aux dépens

Il n’est partie que dans le cadre des procédures mettant ses droits en cause dont, notamment, la procédure de taxation d’honoraire.

Si l’expert n’a pas entamé sa mission mais a perçu la provision, celle-ci est intégralement remboursable.

Pas de commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *