La loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail définit l’accident du travail comme tout accident qui survient à un travailleur dans le cours et par le fait de l’exécution du contrat de louage de travail et qui produit une lésion. La jurisprudence définissait l’accident du travail comme l’évènement soudain qui produit une lésion corporelle et dont la cause ou l’une des causes, est extérieure à l’organisme de la victime. Qu’en est-il d’une chute causée par un malaise de la victime ?

Dans un arrêt du 21.6.2012, la Cour du Travail de Bruxelles s’est penchée sur la question.

Un travailleur avait fait une chute dans les toilettes. L’entreprise d’assurances relève que la chute a pu être causée par l’état physique du travailleur qui souffrait apparemment de gastro-entérite et l’hypothèse d’un malaise vagal avait été émise.

Les premiers juges ont suivi cette thèse, considérant que le travailleur avait à apporter la preuve de ce que sa chute avait bien été causée par le sol mouillé ou glissant et non par son état de santé (gastro-entérite ayant provoqué un malaise vagal)

La Cour va réformer cette décision pour les motifs suivants :

Sur la base du texte légal (art. 7 et 9 de la loi du 10 avril 1991 relative aux accidents du travail), la jurisprudence définissait l’accident du travail comme l’évènement soudain qui produit une lésion corporelle et dont la cause ou l’une des causes, est extérieure à l’organisme de la victime (Cass., 26 mai 1967, Pas. 1967, 1, 1138 J. RUSSE “Évènement soudain et cause extérieure en accident du travail, état de la jurisprudence”, J.T. 1995, p.117).

Cette définition ne précisait pas ce qui, de l’évènement soudain ou de la lésion, devait avoir une cause extérieure à l’organisme.

Dans une note d’observation parue sous la décision dans la dernière livraison du Bulletin des Assurances, Monsieur Bernard Michel critique cette décision aux motifs que :

“Dans le cas faisant l’objet du présent commentaire, il appert que non seulement la chute effectuée par l’intéressé n’est pas due au travail et est totalement indépendante de ce dernier mais en plus aucun élément aggravant propre au travail n’a pu être mis en avant.”

D’autre part, à considérer que l’état physiologique de la victime est étranger à la question de savoir si l’accident est survenu “par le fait de l’exécution du contrat de travail”, n’en arrive-t-on pas à reconnaître que toute chute survenue au travail constitue un accident du travail indemnisable?

En d’autres termes, une telle approche revient à définitivement confondre la notion de “par le fait de l’exécution du contrat de travail” avec celle de “à l’occasion de l’exécution dudit contrat”.

Cette approche extensive des chutes au travail nous semble une fois de plus en contradiction totale avec la couverture d’un risque de nature fondamentalement professionnelle.

Ainsi, et comme nous le mettions en exergue dans un commentaire précédent, si les employeurs sont disposés à payer une prime couvrant l’indemnisation des risques de nature professionnelle, ils ne sont bien évidemment pas enclins à voir les primes servir à payer les conséquences d’événements détachés d’un tel risque.”

Je ne puis, personnellement, partager cette critique. Il faut, en effet, revenir au fondement de notre législation (révolutionnaire pour l’époque). L’objectif de la Loi

Ainsi que le rappelle Assuralia dans une brochure intitulée Le modèle belge d’assurance “Accident du travail” “la loi de 1903 (ancêtre de la loi de 1971) a introduit deux principes nouveaux dans la législation de l’époque: l’employeur fut considéré comme responsable d’office des accidents du travail survenus dans son entreprise quelle que soit sa responsabilité dans le cas d’espèce tandis que la notion de réparation intégrale était remplacée par celle d’indemnisation forfaitaire”

“cette loi instaurait déjà tout à la fois une responsabilité objective à charge des employeurs (sans notion de faute) et un système d’indemnisation forfaitaire”

Réintroduire la question de savoir si l’accident est la conséquence, ou non, d’un risque de nature professionnelle et non plus, simplement que l’accident est survenu dans le cours et par le fait de l’exécution du contrat de louage de travail reviendrait, à mon sens, à faire un pas en arrière et à mettre à charge du travailleur une preuve que la Loi ne lui impose pas.

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