Dans un Arrêt du 7 avril 2016, la Cour de justice de l’Union Européenne a eu l’occasion d’interpréter la notion de procédure judiciaire ou administrative.

La demande de décision préjudicielle portait sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 87/344/CEE du Conseil, du 22 juin 1987, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance-protection juridique (JO L 185, p. 77).

Le onzième considérant de la directive 87/344 énonce:

«considérant que l’intérêt de l’assuré en protection juridique implique que ce dernier puisse choisir lui-même son avocat ou toute autre personne ayant les qualifications admises par la loi nationale dans le cadre de toute procédure judiciaire ou administrative et chaque fois que surgit un conflit d’intérêt».

L’article 2, paragraphe 1, de ladite directive est libellé comme suit:

«La présente directive s’applique à l’assurance-protection juridique. Celle-ci consiste à souscrire, moyennant le paiement d’une prime, l’engagement de prendre en charge des frais de procédure judiciaire et de fournir d’autres services découlant de la couverture d’assurance, notamment en vue de:

  • récupérer le dommage subi par l’assuré, à l’amiable ou dans une procédure civile ou pénale,
  • défendre ou représenter l’assuré dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre, ou contre une réclamation dont il est l’objet.»

L’article 4, paragraphe 1, de la même directive dispose:

«Tout contrat de protection juridique reconnaît explicitement que:

  1. a)lorsqu’il est fait appel à un avocat ou toute autre personne ayant les qualifications admises par la loi nationale, pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l’assuré, dans toute procédure judiciaire ou administrative, l’assuré a la liberté de le choisir;
  1. b)l’assuré a la liberté de choisir un avocat ou, s’il le préfère et dans la mesure où la loi nationale le permet, toute autre personne ayant les qualifications nécessaires, pour servir ses intérêts chaque fois que surgit un conflit d’intérêts.»

La demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant un travailleur à son assureur Protection Juridique au sujet du refus de cette dernière de prendre en charge les frais d’assistance juridique fournie par l’avocat choisi par le preneur d’assurance dans le cadre d’une procédure conduisant à la résiliation du contrat de travail de ce dernier.

Le 14 janvier 2014, l’employeur avait demandé, conformément à la législation Hollandaise , à l’Institut de gestion des assurances pour les travailleurs salariés, un organisme public indépendant de l’administration centrale, l’autorisation de mettre fin, pour motif économique, à leur relation de travail.

Le 17 janvier 2014, le travailleur avait demandé à son assureur la couverture des frais d’assistance juridique relatifs à sa représentation par un avocat externe dans cette procédure.

L’assureur lui a fait savoir que la procédure devant l’Institut de gestion des assurances n’était pas une procédure judiciaire ou administrative au sens de la loi sur le contrôle financier, que l’assuré n’avait, de ce fait, aucun droit de choisir un avocat et qu’elle ne prenait pas en charge les frais liés à la représentation par un avocat.

La question posée est de déterminer si la procédure devant l’Institut de gestion des assurances relève de la notion de «procédure administrative», au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 87/344

En vertu des dispositions applicables en droit néerlandais et relatives à la protection du salarié contre le licenciement, l’employeur peut mettre fin à la relation de travail avec le salarié principalement de deux manières, à savoir soit en demandant la dissolution du contrat liant les parties devant le tribunal, soit par résiliation de ce contrat à la suite de l’autorisation de licenciement octroyée par l’Institut de gestion des assurances.

Dans ce dernier cas de figure, la procédure d’autorisation est soumise aux dispositions du décret extraordinaire sur les relations de travail qui sont appelées à remplir des fonctions importantes de garantie contre les licenciements injustifiés et d’instrument public permettant non seulement de protéger les groupes faibles sur le marché du travail, mais également de lutter contre le recours abusif à la sécurité sociale.

La Cour de justice relève, en premier lieu, que, aux termes de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344, tout contrat de protection juridique reconnaît explicitement que, dans toute procédure judiciaire ou administrative, lorsqu’il est fait appel à un représentant pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l’assuré, ce dernier a la liberté de choisir ce représentant.

Ainsi, il découle du libellé même de ladite disposition que la notion de «procédure administrative» doit être lue par opposition à celle de «procédure judiciaire».

Une interprétation de la notion de «procédure administrative», au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344 qui entend limiter la portée de cette notion aux seules procédures juridictionnelles en matière administrative, à savoir celles qui se déroulent devant une juridiction proprement dite, viderait donc de son sens l’expression, expressément utilisée par le législateur de l’Union européenne, de «procédure administrative».

Par ailleurs, il importe de constater que, même si la différenciation entre la phase préparatoire et la phase décisionnelle d’une procédure judiciaire ou administrative a pu faire l’objet de discussions lors de la genèse de la directive 87/344, le libellé de l’article 4, paragraphe 1, de celle-ci ne contient aucune distinction à cet égard, de sorte que l’interprétation de la notion de «procédure administrative» ne saurait être limitée en ce sens.

En second lieu, conformément à une jurisprudence constante, il convient, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie.

À cet égard, il importe de rappeler que l’objectif poursuivi par la directive 87/344, et en particulier par l’article 4 de celle-ci, relatif au libre choix de l’avocat ou du représentant, est de protéger de manière large les intérêts des assurés.

La portée générale et la valeur obligatoire qui sont reconnues au droit de choisir son avocat ou représentant s’opposent à une interprétation restrictive de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de cette directive .

En l’occurrence, il ressort des éléments du dossier soumis à la Cour que le travailleur licencié ne dispose d’aucun recours contre la décision de l’Institut de gestion des assurances qui accorde à l’employeur l’autorisation de licenciement pour motif économique.

Si le travailleur peut intenter ultérieurement un recours en dommages et intérêts pour licenciement manifestement injustifié devant la juridiction civile, la décision à intervenir n’est toutefois pas susceptible de remettre en cause celle prise par cet Institut.

Dans ces conditions, il ne saurait être contesté que les droits du travailleur se trouvent affectés par la décision de l’Institut de gestion des assurances et que ses intérêts en tant qu’assuré nécessitent d’être protégés dans le cadre de la procédure devant cet organisme.

Une interprétation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344 qui reconnaît au travailleur, assuré en protection juridique, le droit de choisir librement son avocat ou autre représentant dans le cadre de la procédure administrative au terme de laquelle un organisme public autorise l’employeur à procéder à son licenciement s’impose d’autant plus que, dans l’arrêt Sneller (C-442/12, EU:C:2013:717), la Cour a reconnu le droit au libre choix de l’avocat ou du représentant à un travailleur qui se trouvait dans la même situation, mais dont il avait été mis fin au contrat de travail par décision judiciaire.

En outre, pour ce qui est des conséquences financières éventuelles sur les systèmes d’assurance-protection juridique, il y a lieu de rappeler que, même à supposer que de telles conséquences financières puissent se produire, elles ne sauraient conduire à une interprétation restrictive de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344.

En effet, la directive 87/344 ne vise pas une harmonisation complète des règles applicables aux contrats d’assurance-protection juridique et les États membres restent libres, en l’état actuel du droit de l’Union, de déterminer le régime applicable auxdits contrats, pour autant que les principes prévus par cette directive ne sont pas vidés de leur substance (voir, en ce sens, arrêt Stark, C-293/10, EU:C:2011:355, point 31).

Ainsi, l’exercice du droit de l’assuré de choisir librement son représentant n’exclut pas que, dans certains cas, des limitations aux frais supportés par les assureurs puissent être apportées (voir arrêt Sneller, C-442/12, EU:C:2013:717, point 26).

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