Un assuré est victime d’un sinistre incendie qui ravage sa maison. Pour évaluer le dommage encouru à la suite de ce sinistre, et l’assister ainsi que la représenter lors de l’estimation amiable des dommages, il fait appel à un expert-conseil.

Une évaluation du préjudice « est arrêtée sous réserve de tous droits, d’approbation par la compagnie et d’application des garanties de la police et franchises éventuelles »

Le montant du dommage est fixé et reprend une TVA de 6 %. Lors de la reconstruction de l’immeuble, l’administration fiscale exigera une TVA de 21% que l’assureur refusera en se retranchant derrière le PV d’estimation amiable.

Après mise en demeure, nous assignerons au nom de l’assuré, l’assureur et l’expert-conseil.

Par jugement (inédit) du 24.10.2017, le tribunal de commerce fera droit à la demande avec la motivation suivante :

Il est constant que le procès-verbal d’estimation amiable de dommages signé le 6 mars 2012 prévoit l’application d’un taux de TVA de 6%.

Or, il convient de relever que :

Ce procès-verbal, qui a été dressé « sous réserve de tous droits », ne porte que sur « la valeur au jour du sinistre des biens assurés et les dommages occasionnés aux biens ci-après désignés », ce qui ne vise pas en soi le taux de la TVA, lequel – même s’il a été noté – reste l’apanage de l’Etat;

Il n’est pas contesté que conformément aux conditions de la police, l’assureur s’est engagée à payer une indemnité qui comprend les taxes et les droits généralement quelconques pour autant que l’assuré ne puisse les récupérer fiscalement;

En vertu de l’article 121, §4 de la loi du 4 avril 2017 relative aux assurances, l’indemnité versée par l’assureur comprend « tous taxes et droits généralement quelconques »

La réglementation relative au taux de la TVA étant d’ordre public, les parties ne peuvent se soustraire au taux légal applicable.

Il résulte de ce qui précède que l’assuré est fondé à réclamer le remboursement de la TVA au taux de 21%, et non de 6% comme mentionné de manière erronée dans le procès-verbal d’estimation amiable de dommages du 6 mars 2012.

En ce qui concerne la demande dirigée contre l’expert-conseil :

L’assuré fait valoir qu’en signant le procès-verbal mentionnant un taux de TVA erroné sans vérifier le taux effectivement applicable et sans émettre la moindre réserve à cet égard, l’expert -conseil a commis une faute qui engage sa responsabilité. Il lui reproche d’avoir manqué au devoir d’information, d’assistance et de conseil que l’assuré est en droit d’attendre d’un expert spécialisé en évaluation de sinistres.

Il revendique une indemnité évaluée ex aequo et bono à 500,00 euros en considérant que sans la faute de l’expert-conseil, il aurait reçu l’entièreté de l’indemnité qui lui revient dès 2013 et n’aurait pas dû multiplier les démarches, ni introduire la présente procédure.

L’expert-conseil estime n’avoir commis aucune faute en relation causale avec le dommage vanté. Il rappelle que le taux de TVA repris dans le procès-verbal d’estimation amiable de dommages est sujet le cas échéant à adaptation.

Il fait par ailleurs valoir qu’il n’est nullement acquis que l’assureur aurait accepté de signer ce PV avec un taux de TVA de 21% ou sans indication de taux. Il conclut que les démarches dont se prévaut l’assuré ne lui sont nullement imputables, mais sont liées à la position respective inconciliable de celui-ci et de son assureur.

Le tribunal estime que dès lors qu’il avait été chargée d’assister l’assuré dans l’évaluation de son dommage, le conseil technique se devait d’informer et de conseiller utilement son client au sujet du taux de la TVA effectivement applicable aux différents postes de ce dommage.

Au vu des éléments du dossier, il apparaît que l’expert-conseil n’a manifestement pas satisfait à cette obligation.

Eu égard aux conclusions du présent jugement, ce manquement n’empêche certes pas l’assuré d’obtenir le remboursement de la TVA au taux de 21%.

Il reste que dûment informée de la problématique, l’assuré aurait pu prendre ses dispositions et ses décisions en connaissance de cause.

Dès le mois de mars 2012, ce cabinet d’experts aurait utilement pu conseiller son client de prendre contact avec l’administration de la TVA afin de vérifier le taux de la TVA applicable au vu des ruines encore existantes.

Il ne fait pas de doute aux yeux du tribunal que ceci aurait permis de résoudre plus rapidement et simplement le litige, fusse via le recours aux tribunaux.

Faute d’avoir été utilement informée et conseillé, l’assuré a subi un surplus de tracasseries et de démarches à faire. Il s’est vu dans l’obligation de constituer un dossier afin de justifier après coup l’état du bâtiment sinistré.

Ceci constitue un dommage en lien causal avec la faute retenue qui peut être fixé ex aequo et bono à la somme de 500.00 euros, à majorer des intérêts moratoires au taux légal à compter du prononcé du présent jugement.

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