Il n’est pas contesté qu’un intermédiaire d’assurances est tenu, à l’égard de son client, d’un devoir d’information. La Cour d’appel de Liège, dans un arrêt du 6 octobre 2021, a eu l’occasion d’aborder la question de l’étendue d’un tel devoir, mais également de la preuve qui doit être rapportée par le bénéficiaire du devoir de conseil et d’information.

Le preneur avait souscrit par l’intermédiaire d’un courtier une police d’assurance couvrant son immeuble contre les risques d’incendie et de vol.

Les conditions particulières du contrat imposaient l’installation d’un système d’alarme agréée. Dans le cadre d’un sinistre vol, le preneur déclara que le système d’alarme équipant son immeuble ne fonctionnait plus depuis des années.

Fort logiquement, la compagnie d’assurances refusa de couvrir le sinistre. Avec une certaine audace, le preneur décida de se retourner contre son courtier en lui reprochant un manquement à son obligation d’information et de conseil.

La cour rappelle d’abord :

Le courtier d’assurance est tenu d’une obligation d’information et de conseil. L’obligation d’information et de conseil relative au produit d’assurance rentre dans le champ contractuel de la convention conclue entre le courtier et le client (Cass., 16 mars 2018, R. G. no C.17.0200.E.).

Le devoir d’information porte sur la transmission objective de données administratives concernant le courtier et le contrat. Il concerne la communication de données ou de faits ainsi que les aspects techniques d’un service permettant au client d’en comprendre le mécanisme et la portée pour, sur cette base, orienter et déterminer son choix.

L’étendue de l’obligation du devoir d’information du courtier n’est toutefois pas illimitée. Ainsi, elle ne porte que sur les informations que le client est censé ignorer et non sur ce qu’il sait déjà. Elle est en outre fonction des connaissances du candidat preneur d’assurance. L’étendue de l’obligation d’information doit s’apprécier en fonction de la demande de garantie formulée par le client et des informations transmises par ce dernier (B. Dubuisson, « La responsabilité professionnelle des intermédiaires d’assurance », in Responsabilités professionnelles, CUP, vol. 196, p. 289 et les réf. citées).

Le devoir de conseil implique une appréciation subjective sur l’opportunité d’une opération. Il consiste à orienter le choix d’une police d’assurance après avoir établi une comparaison des coûts et mérites des polices envisagées. Elle impose au courtier de fournir au client les informations nécessaires afin de lui permettre de choisir un produit d’assurance en connaissance de cause.

Il est également tenu compte de la vigilance du client qui, s’il avait lu avec l’attention requise les conditions générales et particulières du contrat, n’aurait pu ignorer les conditions d’assurance et les limites du contrat (B. Dubuisson, op. cit., no 89, pp. 290-291 et les réf. citées).

Le courtier assume, dans l’exercice de sa mission d’information et de conseil, une obligation de moyens (l’intermédiaire en assurances peut toutefois être tenu d’une obligation de résultat lors de l’accomplissement d’actes purement matériels). Il appartient dès lors au bénéficiaire du devoir de conseil et d’information de prouver le manquement reproché au courtier, ainsi que le lien causal entre ce manquement et le dommage allégué (N. Schmitz, « Le droit de la responsabilité : le domaine des assurances », in Droit de la responsabilité. Domaines choisis, CUP, vol. 119, no 56, p. 322. Voy. également Cass., 11 janvier 2019, J.T., 2019, p. 724 : le demandeur doit établir que le défendeur aurait dû lui donner une information déterminée, mais également qu’il ne l’a pas fait).

Le preneur reproche à son courtier de ne pas avoir suffisamment prospecté le marché des assurances et de s’être vu proposer le contrat le moins avantageux, alors que d’autres compagnies que le Foyer Assurances auraient été en meilleure mesure de couvrir son risque de façon plus adaptée.

Il énonce que le contrat souscrit auprès de Foyer Assurances imposait un système d’alarme sans réduction de prime, alors que d’autres compagnies auraient couvert le risque sans exiger de système d’alarme antivol sans réduction de prime.

Le courtier affirme que lorsque le preneur l’a contacté en automne 2011, ils lui a fait différentes propositions sur base de ses desiderata et explications et des contrats existants, en prenant le temps de lui expliquer les avantages et/ou les inconvénients présentés par les produits proposés. IL considère qu’est irrelevante la circonstance que des compagnies d’assurance auraient couvert le risque sans exiger un dispositif antivol à des conditions identiques puisque le preneur a confirmé à son courtier la présence d’un système d’alarme dans son immeuble.

Le preneur rétorque que sa maison est bien équipée d’un système d’alarme antivol, mais qu’il n’était plus fonctionnel, qu’il n’a pas été averti de l’obligation d’être en possession d’un dispositif fonctionnel et qu’il l’aurait signalé si la question lui avait été posée.

La Cour, au vu de ces éléments, tranche de la manière suivante :

Le devoir d’information et de conseil du courtier est une obligation de moyens. Il doit mettre tous les moyens en œuvre pour que le produit proposé à son client réponde au mieux à ses intérêts.

L’intermédiaire doit également veiller à la bonne compréhension des termes du contrat par son client et attirer son attention sur les clauses pouvant présenter un risque ou être piégeuses.

Toutefois, il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 5 de la loi du 25 juin 1992, il incombe au candidat à l’assurance de déclarer spontanément, le risque. À ce, titre, il est tenu de déclarer à l’assureur ou à son courtier exactement toutes les circonstances connues de lui et qu’il doit raisonnablement considérer comme des éléments pouvant avoir une incidence sur l’appréciation du risque.

L’intervention d’un courtier ne dispense pas le preneur d’assurance de son devoir personnel de déclaration du risque. Elle ne le dispense pas non plus de son devoir élémentaire de prudence, ni du devoir de veiller à ses propres intérêts.

En l’espèce, le preneur avait souscrit un contrat d’assurance chez AG Insurance lui imposant un dispositif antivol avec une obligation de maintenance de son installation.

En signant la proposition d’assurance du Foyer Assurances mentionnant expressément que son immeuble est équipé d’un système antivol agréé, il ne pouvait ignorer la portée de cette exigence. Même si le preneur affirme qu’il est profane en matière d’assurance, le courtier n’avait en l’espèce pas l’obligation de s’assurer de la bonne compréhension de cette clause par son client, laquelle est parfaitement claire et compréhensible pour toute personne se donnant la peine de lire correctement et attentivement la proposition d’assurance et les clauses particulières qui lui sont soumises.

C’est donc vainement que le preneur soutient que son courtier ne l’a pas informé de ce que le système d’alarme devait être fonctionnel car tout preneur d’assurance normalement prudent et avisé placé dans des circonstances semblables sait ou doit raisonnablement savoir que si un système d’alarme est exigé, celui-ci doit être en état de fonctionnement.

Rappelons également le récent arrêt de la Cour de cassation du 24 décembre 2021 :

Le courtier exerce son devoir de conseil sur la base des informations fournies par le client. Il incombait au preneur de préciser qu’il souhaitait d’autres garanties que la responsabilité civile, non au courtier de rechercher et proposer spontanément une couverture contre le risque de vol du véhicule, si celle-ci ne lui était pas demandée.

L’obligation de se renseigner auprès du client est le corollaire du devoir d’information et de conseil. Il n’existe que dans la mesure nécessaire à l’exercice de ce devoir d’information et de conseil. Le preneur n’établit pas avoir sollicité une couverture du risque de vol et avoir exprimé l’exigence d’une telle couverture.

L’arrêt justifie légalement sa décision que, dans ces circonstances, on ne peut pas reprocher au courtier de n’avoir pas donné des informations écrites quant aux contrats d’assurance contre le vol que pouvaient proposer les diverses compagnies d’assurances et quant aux coûts de ces garanties (parce que cela ne lui avait pas été expressément demandé).

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