La problématique principale abordée dans un arrêt de la Cour d’appel de Liège du 13.1.2024 est celle de savoir si, en cas de reconstruction par l’assuré lui-même de l’immeuble sinistré, il est impératif pour celui-ci de justifier du coût réel des travaux par la production de factures pour obtenir le paiement de l’indemnité d’assurance prévue au procès-verbal d’évaluation dressé après le sinistre.

En l’espèce, l’assuré, menuisier de profession, a procédé personnellement aux travaux de remise en état de son habitation suite à un dégât des eaux, ne produisant que très peu de justificatifs des dépenses exposées. Son assureur a alors limité le montant de l’indemnisation en application d’une clause contractuelle prévoyant une réduction de l’indemnité si le prix de reconstruction est inférieur à l’estimation initiale.

La question était donc de savoir si l’assureur pouvait se prévaloir de cette clause et minorer son intervention, faute pour l’assuré de rapporter la preuve du coût effectif des travaux par des factures, ou si au contraire, le seul constat de l’achèvement des travaux de remise en état ouvrait droit au paiement intégral de l’indemnité prévue au procès-verbal.

La Cour d’appel a tranché en faveur de l’assuré, considérant que la preuve de la reconstruction pouvait résulter d’autres éléments que la production de factures et que la valeur des travaux réalisés personnellement par l’assuré participait à la détermination du prix de reconstruction, quand bien même ils n’auraient pas fait l’objet d’une facturation.

Les faits

Une compagnie d’assurances couvrait dans le cadre d’une police multirisques habitation un immeuble d’habitation appartenant à monsieur X.

Le 13 mars 2019, un sinistre de dégâts des eaux est survenu dans l’immeuble assuré. Un procès-verbal d’estimation amiable a été signé entre les parties le 10 avril 2019, fixant le dommage en valeur à neuf à 45,916 € HTVA.

Monsieur X, menuisier de profession, a procédé lui-même aux travaux de reconstruction de son immeuble. Il a transmis des pièces justificatives des coûts pour des montants de 479,85 € pour le bâtiment et 480,76 € pour les déblais.

La compagnie d’assurances a fixé l’indemnité due à 25.474,37 € pour le bâtiment et 3.392,30 € pour les déblais, en application de l’article 34.5 des conditions générales de la police.

Jugement entrepris.

Monsieur X a assigné la compagnie d’assurances devant le tribunal de première instance pour obtenir le paiement des montants prévus au procès-verbal d’estimation amiable.

Par jugement du 10 octobre 2022, le tribunal a considéré que la compagnie d’assurances ne démontrait pas que le prix de reconstruction était inférieur à l’indemnité prévue et n’était donc pas en droit de limiter son intervention.

Le tribunal a condamné la compagnie d’assurances à payer 7.355,58 € en principal à monsieur X, outre les intérêts et les dépenses.

Appel

La compagnie d’assurances a interjeté appel, demandant à la cour de dire la demande de monsieur X non fondée.

Monsieur X a conclu à la confirmation du jugement.

Arguments des parties

La compagnie d’assurances fait valoir qu’à défaut de justificatifs de monsieur X pour un montant supérieur à 960,61 €, l’indemnité doit être calculée selon l’article 34.5 des conditions générales.

Monsieur X demande la confirmation du jugement, faisant valoir que le prix de reconstruction peut être déterminé par référence au coût normal de l’entreprise et pas seulement par les justificatifs de dépenses.

Décision de la Cour

La Cour confirme le jugement.

Elle considère qu’il est établi que l’immeuble a retrouvé son état antérieur au sinistre suite aux travaux réalisés par monsieur X et que le prix de ces travaux peut être valorisé aux montants prévus lors de l’estimation amiable.

Le prix de reconstruction s’entend de la valeur de celle-ci et ne se limite pas aux seuls décaissements justifiés.

L’immeuble ayant été reconstruit conformément aux prévisions faites lors de l’estimation amiable, le prix de reconstruction équivaut aux indemnités alors prévues.

Il n’y a dès lors pas lieu de limiter l’intervention de la compagnie d’assurances.

Commentaire

Cet arrêt apporte des précisions importantes sur les modalités d’indemnisation par l’assureur en cas de reconstruction par l’assuré lui-même de l’immeuble sinistré.

La Cour rappelle que le prix de reconstruction ne se limite pas aux seuls décaissements justifiés, mais s’entend de la valeur de celle-ci, pouvant être déterminée par référence au coût normal de l’entreprise. Elle considère que la main d’œuvre personnelle de l’assuré a une valeur économique qui participe à la détermination du prix de reconstruction et ne peut être ignorée sous prétexte de l’absence de justificatifs, au risque de priver l’assuré d’une partie de l’indemnisation à laquelle il a droit.

Cet arrêt s’inscrit dans le courant jurisprudentiel favorable à une indemnisation complète des assurés en cas de reconstruction, conformément au principe indemnitaire qui gouverne le contrat d’assurance. La solution retenue est protectrice des intérêts de l’assuré qui procède lui-même aux travaux nécessaires après le sinistre. Elle évite qu’un assureur puisse tirer avantage de cette situation pour limiter son intervention.

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