Les défenseur des victimes savent le rude combat mené pour obtenir une indemnisation raisonnable de celles-ci.

Deux théories se sont longtemps affrontées lors de l’appréciation du dommage subi : évaluation forfaitaire ou capitalisation.

L’estimation sur base de la capitalisation est généralement nettement plus favorable à la partie préjudiciée.

Une évolution favorable se dessine au travers des derniers arrêts de la Cour de Cassation.

Il était soutenu que, par exemple, pour les préjudices moraux ou ménagers, l’utilisation de la méthode de la capitalisation était à exclure.

Selon cette thèse, le recours à ce système présupposerait dans l’appréciation des éléments qui composent le dommage une certaine permanence et une base objectivement quantifiable.

En d’autres termes, la méthode de la capitalisation ne se justifierait pas dès lors qu’à défaut d’une base fixe et objective, tel un salaire, la base est elle-même évaluée ex aequo et bono.

Les assureurs plaident généralement également qu’accepter de capitaliser sans distinction toutes séquelles permanentes supposerait que toutes séquelles futures se manifesteraient après la date de consolidation de façon récurrente et linéaire ce qui ne correspond manifestement pas à la réalité.

Ainsi, le dommage moral serait susceptible de varier dans le temps, de sorte qu’aucune autre méthode qu’une évaluation en équité ne serait possible pour déterminer le préjudice futur.

Il est alors soutenu que les séquelles postérieures à la consolidation n’auraient qu’un impact occasionnel et non quotidien et seraient de nature à s’évanouir dans les brumes des conséquences prévisibles d’un vieillissement normal.

La méthode de la capitalisation devrait s’effacer devant celle du forfait.

Des arrêts successifs de la Cour de Cassation permettent d’espérer un revirement de cette jurisprudence.

Il était, en effet, légitime de s’étonner du postulat qu’une évaluation faite sur base d’un montant fixé ex aequo et bono, soit sans aucune base objective, aurait été plus rigoureuse qu’un calcul fondé, à tout le moins en partie, sur base d’éléments objectifs.

Dans un arrêt du 17 février 2012, la Cour de Cassation a dit pour droit qu’ « en considérant que ” la méthode de capitalisation (…) ne se justifie pas lorsque la base (forfaitaire) est elle-même évaluée ” en équité ” est susceptible de varier dans le temps, ce qui est particulièrement le cas de l’activité ménagère qui a tendance à se réduire avec l’âge “, le jugement attaqué, qui n’indique pas les circonstances propres à la cause qui justifient la variation dans le temps de la base forfaitaire, méconnaît l’obligation d’apprécier le dommage in concreto »

Dans son arrêt du 18 avril 2012, la Cour de Cassation confirme que “le juge peut réparer le dommage moral et ménager de la victime en utilisant la méthode de la capitalisation. Il ne lui est pas interdit de considérer que ce mode de calcul s’avère le plus objectif pour projeter dans l’avenir un préjudice constant dont la valeur journalière est connue, quand bien même elle a été fixée forfaitairement.”

Enfin, dans un arrêt du 2 mai 2012, la Cour casse une décision qui, afin de motiver l’allocation d’une indemnité forfaitaire unique pour réparer le dommage matériel permanent du demandeur, énonçait :

  • d’une part, que « pour l’évaluation du dommage à venir, le juge devra, à défaut de faculté divinatoire, procéder à un calcul de capitalisation en prenant en considération un coefficient de capitalisation qui tiendra à la fois compte de l’âge de la victime, du sexe de celle-ci et du taux moyen d’escompte au moment du jugement »
  • d’autre part, « qu’il appartient au tribunal de rechercher le point d’équilibre entre le principe d’égalité que tout citoyen est en droit de revendiquer et celui de l’individualisation de l’évaluation qui doit tenir compte de toutes les facettes des répercussions que l’atteinte à l’intégrité physique a eues et aura à l’avenir, sur la victime »
  • enfin que « d’aucuns considèrent que le fait de se baser sur le salaire comme étalon […] entraîne une appréciation inégalitaire […], tant il est vrai que des salaires exagérément élevés peuvent être perçus au terme d’un labeur parfois très modéré, tandis que des horaires de travail accablants justifient des salaires plus que modestes ».

La décision cassée en déduisait que « si l’évaluation forfaitaire peut paraître arbitraire à certains, elle n’en semble pas moins être davantage juste et raisonnable ».

Ces motifs de rejet de la méthode de capitalisation de l’évaluation du préjudice matériel permanent du demandeur ainsi que les considérations théoriques liées à l’incertitude de conserver son emploi jusqu’à l’âge de la retraite, méconnaissent le principe de la réparation intégrale du dommage ainsi que l’obligation d’apprécier celui-ci in concreto.

Certes, comme l’écrit Monsieur SIMAR dans la dernière livraison du JLMB, la messe n’est pas encore dite mais nous nous rejoindrons à tout le moins sur le fait que la Cour a, à tout le moins, “voulu que le juge du fond ne se cantonne pas dans des motivations stéréotypées en éludant des explications qui le conduisent, très concrètement, à adopter tel système de compensation plutôt que tel autre.”

 

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