Madame X conclut un contrat d’architecture avec Monsieur Y et lui fait grief d’avoir tardé à introduire son dossier auprès du service de l’urbanisme et soutient que ce retard lui a causé un dommage locatif du fait que si le chantier avait été réalisé plus rapidement, elle aurait perçu plus rapidement des loyers.

Elle dirige également sa demande contre l’assureur de l’architecte.

Compte tenu du retard de l’architecte, Madame X avait néanmoins réalisé les travaux sans le concours (et pour cause) d’un architecte.

La compagnie d’assurances concluait à l’irrecevabilité de la demande de Madame X considérant qu’à défaut d’avoir réalisé les travaux litigieux sans le concours d’un architecte, elle s’était rendue coupable d’une infraction pénale et d’une faute civile en manière telle que sa demande, fondée sur un objet illicite, devait être déclarée irrecevable.

La Cour d’appel de Mons, dans un arrêt du 17 décembre 2020, n’accueillera pas cet argument en motivant de la manière suivante :

Aux termes de l’article 17 du Code judiciaire, l’intérêt à agir, qui consiste en tout avantage matériel ou moral, effectif, mais non théorique que le demandeur peut retirer de la demande au moment où il la forme, dût la reconnaissance de ce droit n’être établie ou non établie, qu’à la prononciation du jugement, se confond largement avec l’objet de la demande entendu comme « ce qui est réclamé par le demandeur ; c’est le résultat économique, social ou moral qui est recherché et que l’on demande au juge de consacrer dans sa décision », indépendamment de toute qualification juridique.

Il se distingue de la cause, soit, dans la conception moderne, « l’ensemble des faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa prétention. »

L’objet de la demande ne peut pas être illicite à défaut de quoi la demande ne serait pas recevable.

Une demande tendant à la réparation par équivalent d’un dommage résultant de la privation d’un avantage illicite n’est pas en soi illégitime, car on ne peut considérer que l’objet de la demande — à savoir l’octroi d’une somme d’argent — vise en soi le maintien d’une situation illicite, compte tenu notamment du principe de libre disposition de l’indemnité.

Dès lors la demande en réparation ne repose pas sur la lésion d’un intérêt illégitime puisque son objet ne tend pas au maintien d’une situation illicite, mais seulement à l’allocation de dommages-intérêts.

La cour fait sienne la considération selon laquelle « la condition de légitimité devrait donc s’apprécier à un double stade. Ainsi, au niveau de l’intérêt à agir, il ne s’agirait que d’une exigence de portée limitée, visant à éviter que l’action ne tende exclusivement au maintien d’une situation illicite.

En revanche, au niveau de la définition du dommage réparable, elle permettrait d’exercer un contrôle plus approfondi sur la légitimité de l’avantage perdu. »

Au niveau du fondement de la demande, il convient donc d’examiner à nouveau le caractère licite de son objet.

En effet, « le fait de se trouver dans une situation illicite n’exclut pas nécessairement la possibilité de se prévaloir de la lésion d’un intérêt légitime ou de la privation d’un avantage de même nature »

En l’espèce, le fait que l’appelante ait vraisemblablement effectué les travaux sans l’intervention d’un architecte pour le suivi du chantier, à supposer qu’il soit établi, constitue certes une infraction punissable ; néanmoins la demande porte, comme l’a relevé adéquatement le premier juge, sur l’exécution du contrat d’architecture avenu entre parties et sur l’indemnisation par équivalent du dommage subi durant la période litigieuse, antérieure à la construction de l’immeuble et le dommage réclamé n’est donc pas illicite.

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