L’intervention d’un détective privé dans le cadre d’un sinistre est parfois source de conflit. Le propos de cet article n’est pas d’émettre des considérations générales déplaisantes ou caricaturales, mais de rappeler qu’il existe des limites à ne pas franchir, ce qu’a judicieusement décidé le tribunal de police du Hainaut dans un jugement du 30 juin 2022.

Un automobiliste s’était endormi au volant et avait dévié de sa trajectoire sur la gauche pour percuter un petit aqueduc en béton situé dans le fossé. Le lendemain des faits, cet automobiliste avait déclaré le sinistre à sa compagnie d’assurances qui lui avaient envoyé, à l’improviste, un détective privé afin de l’entendre sur les circonstances de l’accident.

À la suite de cet entretien, la compagnie d’assurances refusera d’intervenir au motif qu’elle subodore que son assuré était en état d’ivresse au moment de l’accident. Le détective avait relevé dans son rapport deux contradictions :

  • L’automobiliste avait d’abord déclaré qu’il revenait de chez sa compagne alors qu’en réalité il travaille bénévolement à une soirée.
  • Il avait déclaré avoir été dépanné par un fermier alors qu’il avait, en réalité, été aidé par le petit-fils de ce fermier

En ce qui concerne le rapport du détective, le tribunal rappelle que la loi du 19 juillet 1991 revêt un caractère d’ordre public. L’article 2 de cette loi prévoit qu’après l’exécution de sa mission, le détective privé établit pour le client un rapport qui comporte une description des activités effectuées comportant les dates, lieux et heures où ses activités ont été effectuées.

Le tribunal rappelle que dans un arrêt du 18 février 2014, la Cour d’appel de Liège a considéré que le rapport rédigé par un détective privé qui a outrepassé sa mission était contraire au respect de la vie privée consacrée par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

En l’espèce, le détective avait épluché l’avis de l’automobiliste par le biais de son compte Facebook, et s’était livré à de nombreuses investigations préalables à l’audition de l’automobiliste (la zone de police, le fermier, le grand-père)

Au vu de la mission, le tribunal considère que le détective privé a manifestement employé des moyens disproportionnés par rapport à la finalité recherchée et que ces investigations n’avaient pas pour vocation de déterminer la réalité du sinistre survenu, mais de trouver un élément à charge de l’automobiliste pour permettre à la compagnie de décliner son intervention.

Le tribunal écarte donc le rapport du détective privé.

Pas de commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *