L’arrêt de la Cour de cassation du 18.12.2023 rappelle que l’expert judiciaire, n’étant pas partie à la procédure, ne peut être condamné aux dépens d’une procédure de taxation de ses honoraires.

Faits et antécédents

M. B. N. avait été désigné comme expert judiciaire dans un litige opposant les défendeurs en cassation. Ses honoraires ont été contestés par les parties sur la base de l’article 991 du Code judiciaire belge. La Cour d’appel a réformé la décision du premier juge, a dit que l’expert n’avait droit à aucune indemnité et l’a condamné aux dépens de la procédure d’appel.

Décision entreprise

La Cour d’appel a condamné M. B. N. aux dépens de la procédure d’appel, comprenant les droits de mise au rôle, la contribution au fonds budgétaire et des indemnités de procédure de 2.600 euros en faveur de chacun des défendeurs.

Motivation de l’arrêt

La Cour de cassation considère qu’une procédure de taxation des frais et des honoraires de l’expert judiciaire n’est pas un litige autonome donnant lieu à une condamnation aux dépens. L’expert n’est pas partie à la procédure et il n’y a pas de rapport procédural entre l’expert et les parties.

L’arrêt viole dès lors les articles 973, 991, 1017, 1018 et 1022 du Code judiciaire en condamnant l’expert aux dépens.

Dispositif

La Cour casse l’arrêt attaqué en ce qu’il statue sur les dépens et renvoie la cause ainsi limitée à la cour d’appel de Gand autrement composée.

Analyse détaillée

Cet arrêt de la Cour de cassation belge soulève des questions importantes quant au statut procédural de l’expert judiciaire et à sa possible condamnation aux dépens dans le cadre d’une procédure de taxation de ses frais et honoraires.

La procédure de taxation des frais et des honoraires de l’expert

L’article 991 du Code judiciaire belge prévoit qu’en cas de contestation des frais et honoraires réclamés par l’expert judiciaire, le juge taxe ces frais sur requête d’une partie, après avoir entendu l’expert et les parties.

La Cour rappelle que cette procédure de taxation constitue un incident dans la procédure principale et non un litige autonome entre l’expert et les parties. L’expert intervient en effet en qualité d’auxiliaire de justice pour éclairer le juge et non comme partie au litige.

Dès lors, s’il existe bien un débat contradictoire sur le montant des frais, il n’y a pas à proprement parler de « parties » s’opposant sur des prétentions respectives.

L’expert judiciaire n’est pas partie à la procédure.

La Cour insiste sur le fait que l’expert judiciaire ne peut être considéré comme partie à la procédure. Même dans le cadre d’une contestation de ses frais et honoraires, l’expert n’a pas de rapport procédural avec les parties.

L’expert est un auxiliaire de justice qui réalise une mission d’éclairage technique sur ordre du juge, dans l’intérêt des parties. Il reste un tiers par rapport au litige.

Dès lors, s’il peut être entendu et voir ses frais taxés par le juge, il ne peut se voir imposer les dépens comme s’il était partie perdante.

Violation des règles relatives aux dépens

En condamnant l’expert aux dépens, la Cour d’appel a méconnu les règles relatives à la charge et à la liquidation des dépens.

En effet, seules les parties qui succombent peuvent être condamnées aux dépens en application de l’article 1017 du Code judiciaire. Or, l’expert n’étant pas partie, il ne pouvait supporter cette charge.

Or, faute de rapport procédural entre l’expert et les parties, une telle indemnité ne pouvait être mise à charge de l’expert.

Solution de la Cour de cassation

Eu égard à ces différents manquements, la Cour de cassation casse l’arrêt attaqué en ce qu’il statue sur les dépens. Elle renvoie cette question devant la Cour d’appel de Gand, autrement composée, laquelle devra revoir sa décision à la lumière des règles rappelées par la Cour de cassation.

L’arrêt commenté apporte donc d’utiles précisions sur le statut de l’expert judiciaire dans la procédure civile et les règles relatives aux dépens. La Cour rappelle fermement que l’expert n’est pas partie et ne peut se voir imposer (ni hélas recevoir) les dépens comme une partie succombante.

Conclusion

En définitive, cet arrêt réaffirme le statut d’auxiliaire de justice de l’expert, qui intervient pour éclairer techniquement le juge et non comme partie faisant valoir des prétentions dans le procès. Même en cas de contestation de ses frais et honoraires, l’expert reste un tiers et ne peut se voir imposer les dépens réservées aux seules parties.

Au final, si le débat sur les frais et honoraires de l’expert prend un tour contradictoire, il ne fait pas naître à proprement parler un litige autonome entre parties. Dont acte !

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