La victime d’un vol qui sollicite de son assureur une indemnisation est confrontée à la difficulté de rapporter la preuve de ce vol. Par hypothèse, le plus souvent, il n’a pas assisté au vol et les voleurs n’ont pas été arrêtés. Comment la jurisprudence borde-t-elle la question. Un récent arrêt de la Cour d’Appel de Mons du 24.3.2014 résume bien les principes applicables.

Conformément aux articles 1315, alinéa 1er, C. civ. et 870 C. jud., il appartient à l’assuré d’établir, par tous moyens de preuve admissibles, la réalité du vol dont il se prétend victime (Cass., 1re ch., 22 janvier 2009, J.L.M.B., 2010, p. 1182), c’est-à-dire la soustraction frauduleuse par un tiers de la chose lui appartenant.

Cependant, la jurisprudence et la doctrine majoritaires admettent, en cette matière, que la charge de la preuve qui pèse sur l’assuré doit être quelque peu allégée (voy., à cet égard, N. Schmitz, « La charge de la preuve en assurance vol : une paix assurée? », note sous Mons, 11 février 2009, J.L.M.B., 2010, p. 1196 et les références citées en note 3).

En effet, si la preuve positive et absolue du vol d’un véhicule peut s’avérer difficile à établir – voire impossible lorsque le bien n’a pas été retrouvé – il est généralement admis que la preuve du vol est suffisamment rapportée par présomptions, si la déclaration de sinistre, accompagnée d’une plainte à la police, paraît sincère et raisonnable, et si aucun élément du dossier ne permet au juge de douter de la vraisemblance des faits allégués par l’assuré (Cass., 1re ch., 22 janvier 2009, J.L.M.B., 2010, p. 1182; Mons, 11 février 2009, J.L.M.B., 2010, p. 1196).

Dès lors, il incombe à l’assureur qui entend décliner sa couverture de démontrer que la réalité du vol allégué est douteuse, à l’aide d’indices tendant à mettre en doute la crédibilité de l’assuré et à souligner les imprécisions et autres contradictions de ses déclarations.

Toujours est-il que si les difficultés liées à la preuve en assurance vol peuvent justifier un allégement du fardeau de la preuve en faveur de l’assuré, elles ne peuvent néanmoins pas aboutir à un renversement de la charge de la preuve au détriment de l’assureur (D. De Maeseneire, « De la charge de la preuve en matière d’assurance vol », note sous Cass., 10 avril 2003, Bull. ass., 2004, p. 125) ou, pour le dire autrement, créer en faveur de l’assuré une présomption quant à l’existence et à l’étendue du vol (N. Schmitz, op. cit., p. 1198, no 4).

Dans ce contexte, il revient donc au juge du fond d’apprécier in concreto la vraisemblance du vol allégué et des éléments soulevés par l’assureur, sur la base des circonstances de faits.

En l’espèce, pour refuser toute intervention, l’assureur mettait en doute la sincérité des déclarations de son assuré et la réalité du vol.

L’assureur faisait grand cas d’une annonce de mise en vente du véhicule parue quelques jours auparavant.

L’assureur affirmait que son assuré aurait reconnu avoir caché sa tentative de vente de peur de ne pas être cru quant à la réalité du vol et ne pas avoir dit la vérité, ce que l’assureur n’établissait pas.

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À juste titre, le premier juge avait considéré que le fait que l’assuré n’ait pas spontanément mentionné qu’il avait l’intention de vendre son véhicule et d’en changer ne suffit pas pour mettre en doute la sincérité de ses déclarations quant au vol dont il a été victime.

L’assureur invoquait également me fait que l’assuré, ouvrier chez VW en 2001, a pu bénéficier d’une importante remise lors de l’achat de son véhicule Golf mais l’a assuré contre le vol selon sa valeur catalogue et a donc demandé à être indemnisé sur cette base n’est en soi pas anormal – l’indemnité d’assurance correspond à la valeur de remplacement du véhicule assuré – et ne peut suffire à mettre en doute sa crédibilité.

Le fait d’être bien assuré ne suffit évidemment pas à rendre suspecte la survenance d’un sinistre.

De même, le fait prétendument anormal relevé par l’inspectrice de l’assureur suivant lequel l’assuré était impatient de connaître le montant de l’indemnité d’assurance 15 jours à peine après le vol est parfaitement légitime dans le chef d’un assuré victime d’un vol qui souhaite connaître ses droits.

L’assureur ne démontre aucune discordance ou incohérence qui permettrait de douter légitimement de la réalité des faits tels qu’ils lui ont été déclarés par l’assuré et de mettre en cause sa bonne foi.

L’argumentation de l’assureur quant au défaut de sincérité de son assuré est particulièrement peu convaincante au regard de l’ensemble des pièces du dossier.

À juste titre, le premier juge a judicieusement relevé un ensemble d’éléments, dont il a considéré qu’ils constituaient des présomptions graves, précises et concordantes qui établissent la réalité du vol dont a été victime l’assuré.

Ces éléments peuvent être synthétisés comme suit :

  • tous les témoins entendus par l’inspecteur de la compagnie ont confirmé sa version suivant laquelle son véhicule lui avait été dérobé pendant qu’il effectuait des courses au supermarché Carrefour avec sa petite amie (notamment une volumineuse étagère de salle de bains avec laquelle ils se sont retrouvés bloqués sur le parking du magasin);
  • les gardes de sécurité du magasin ont précisé que tous deux étaient éprouvés par la situation;
  • l’assuré a remis, sans difficulté, les trois clés du véhicule à l’inspecteur de la compagnie, dès qu’elles lui ont été demandées;
  • la police a retrouvé un sac plastique contenant la plaque d’immatriculation du véhicule litigieux et de trois autres plaques de véhicules volés;
  • le certificat de conformité du véhicule a été retrouvé chez P., receleur impliqué dans un trafic de voitures volées

Les affirmations de l’assureur quant au manque de sincérité de son assuré et au caractère suspect de ses déclarations ne sont pas corroborées par des éléments suffisamment probants pour mettre en cause la réalité du vol allégué.

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