L’assureur est tenu, à bref délai de notifier à l’assuré son intention d’exercer un recours. Cette notification peut-elle être faite à un assuré mineur ? La cour d’Appel de Mons se penche sur la question.

Un mineur a été poursuivi devant le tribunal de la jeunesse pour des faits de coups et blessures volontaires et a été condamné à indemniser une victime

Son assureur RC familiale a indemnisé la victime et se retourne contre le mineur devenu majeur.

Les parties s’accordent pour dire que l’assureur exerce contre le mineur, une action récursoire fondée sur les articles 11 et 15 des conditions générales de la police qui les lie, selon lesquels l’assureur ne garantit pas les dommages qui découlent de la responsabilité personnelle d’un assuré de 16 ans et plus,

ayant commis un fait intentionnel, et dispose d’un droit de recours contre son assuré lorsqu’elle est obligée d’indemniser une victime, dans la mesure où elle aurait pu refuser ou réduire sa prestation d’après la loi ou le contrat.

Aux termes de l’article 88, § 2, de la loi du 25 juin 1992, « sous peine de perdre son droit de recours, l’assureur a l’obligation de notifier au preneur d’assurance, s’il y a lieu, à l’assuré autre que le preneur d’assurance, son intention d’exercer un recours aussitôt qu’il a connaissance des faits justifiant cette décision ».

Le mineur (devenu majeur) soutient que cette disposition n’a pas été respectée dès lors que la notification lui a été faite alors qui était toujours mineur et non à ses représentants légaux et qu’en conséquence, la demande est irrecevable.

La disposition litigieuse vise à protéger l’assuré. « En décidant de se retourner contre son assuré, l’assureur crée, “de facto”, un conflit entre ses intérêts et ceux de son assuré.

» C’est donc pour permettre à l’assuré, sur lequel pèse désormais une menace de condamnation, d’organiser lui-même sa défense et de se justifier auprès de l’assureur que le législateur a créé, à charge de l’assureur, une obligation d’information préalable » (voy. Notamment N. SCHMITZ, « L’obligation de notification de l’assureur R.C. auto », For. ass., 2009, p. 2).

« En effet, la ratio legis de cet article est de permettre à l’assuré et/ou au preneur d’assurance de prendre toutes les dispositions en vue d’organiser utilement sa défense (B. CEULEMANS et J. TINANT, « L’action récursoire de l’assureur contre l’assuré : petit tour d’horizon », in X., Les recours de l’assureur, Limal, Anthemis, 2009, p. 42).

L’enfant reste sous l’autorité de ses père et mère jusqu’à sa majorité ou son émancipation.

L’article 376, alinéa 1er, du Code civil dispose que lorsque les père et mère exercent conjointement l’autorité sur la personne de l’enfant, ils administrent ensemble ses biens et le représentent ensemble.

« Ainsi les prérogatives tendant à la conduite de la personne de l’enfant relèvent de l’autorité parentale et celles relatives à la gestion de ses biens concernent l’administration légale. L’administration légale porte sur la gestion des biens de l’enfant mineur et sur le pouvoir de le représenter dans les actes juridiques tant matériels que procéduraux en rapport avec son patrimoine. Elle est calquée sur, voire encadrée par l’autorité parentale puisqu’intimement liée à celle-ci (DE PAGE, Traité de droit civil belge, t. I, Les personnes, vol. 2, Bruxelles, Bruylant, 2015, nos 1057 et 1058).

Le mineur doué de discernement est frappé d’une incapacité civile ou de protection qui le soumet à un régime de représentation (voy. H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, Bruxelles, Bruylant, 1964, t. II, p. 28, n°15)

En l’espèce, l’intimé qui était mineur à l’époque de la notification litigieuse était soumis à ce régime de protection.

La notification faite directement et exclusivement au mineur ne répond pas au double vœu de protection poursuivi par le législateur.

L’appelante n’apportant pas la preuve qu’elle a valablement notifié à son assuré son intention d’exercer un recours contre lui dès qu’elle a eu connaissance des faits justifiant cette décision, c’est à bon droit que le premier juge a déclaré la demande irrecevable (voy. en ce sens notamment N. SCHMITZ, op.cit. p. 6 ; B. CEULEMANS et T. PAPART, Vademecum du tribunal de police, Kluwer, 2013, p. 258 ; B. CEULEMANS et J. TINANT, op. cit.,p. 42).

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