S’il est un sujet qui fait débat, c’est l’utilité des zones bleues, les PV , les horodateurs… Un jugement du tribunal de 1ère Instance de Bruxelles soulève une question intéressante et prononce une décision qui ravira de nombreux usagers. Le litige concerne la réclamation par RAUWERS à M. V.D. du payement d’une redevance de stationnement forfaitaire.

M. V.D. concluait au non-fondement de la demande. Il formait par ailleurs une demande reconventionnelle, postulant la condamnation de RAUWERS à lui payer une somme de 2.500 euro à titre d’indemnité pour « mesure téméraire et vexatoire », et de 925 euro à titre de dommage matériel et manque à gagner.

Les faits utiles à la compréhension du litige peuvent être résumés comme suit :
• Le 22 juillet 2010, M. V.D., domicilié avenue Eugène Plasky (…), a stationné son véhicule dans cette même avenue, sur le territoire de la commune de Schaerbeek.
• À 12h36, les agents de RAUWERS ont apposé sur le pare-brise dudit véhicule un « billet de stationnement » pour une demi-journée de stationnement, à concurrence d’un montant de 22 euro , au motif « disque temps dépassé » (pièce 1 du dossier de M. V.D.). Selon ce document, le véhicule de M. V.D. était stationné à hauteur du n°(…) de l’avenue Eugène Plasky.
• Le 6 août 2010, RAUWERS a adressé une lettre de rappel à M. V.D..
• Le 9 août 2010, ce dernier y a répondu comme suit :

« Je conteste avoir stationné mon véhicule en infraction tel que vous le prétendez.
Ma voiture est généralement stationnée face au garage que je loue, avenue Plasky (…) ou sur le parking en berme centrale. Les rares fois où je me gare autrement dans l’avenue, c’est pour décharger mes courses ou lorsque mon garage est bloqué par un changement de container des travaux du RER et dans ce cas, mon disque bleu est toujours placé.
Au cas où vous maintiendriez cette infraction, je vous prie de me communiquer en détail les constatations de l’infraction, y compris les photos et qualité de la personne qui a constaté cela et que je suppose être dûment qualifiée et assermentée »

• Le 23 août 2010, une « deuxième lettre de rappel » a été adressée par RAUWERS à M. V.D.. Parallèlement, un autre courrier daté du même jour lui a également été envoyé, indiquant que RAUWERS ne pouvait pas tenir compte de ses réclamations. Cette lettre ne contenait pas de réponse aux demandes de M. V.D..
• Le 1er octobre 2010, un nouveau rappel de payement a été envoyé par un huissier de justice mandaté par RAUWERS.
• Le 5 octobre 2010, M. V.D. lui a indiqué qu’il restait toujours dans l’attente des explications demandées dans son courrier du 9 août 2010.
• Une correspondance soutenue s’en est suivie entre cet huissier de justice et M. V.D., au cours de laquelle certains éléments et réponses ont été transmis à ce dernier (notamment les photographies prises par les agents de RAUWERS). M. V.D. a toutefois maintenu sa position selon laquelle RAUWERS n’établissait pas qu’il avait contrevenu à ses obligations en matière de stationnement. Il a précisé notamment, dans un email du 3 novembre 2010, qu’il « étai[t] stationné non devant le (…) mais devant l’accès au garage du n°(…) qui est souvent fermé par la grille au niveau du trottoir et qui peut éventuellement être confondu avec un jardinet normal » (pièce 17 de son dossier).
• Chaque partie campant sur sa position, la présence procédure a été introduite par RAUWERS.

Le tribunal rappelle que selon les articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire, il incombe à celui qui réclame l’exécution d’une obligation d’en rapporter la preuve.

A l’inverse, il appartient à celui qui s’en prétend libéré de justifier le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Les seules affirmations d’une partie au litige ne suffisent pas pour établir en droit les faits qu’elle allègue, s’il n’existe pas d’éléments permettant d’objectiver ces affirmations.

Il énonce, ensuite, les principes applicables à la demande de payement d’une redevance de stationnement forfaitaire

L’article unique de la loi du 22 février 1965 permettant aux communes d’établir des redevances de stationnement applicables aux véhicules à moteur, en vigueur au moment des faits , disposait, à la suite de sa modification par la loi du 7 février 2003 portant diverses dispositions en matière de sécurité routière, ce qui suit :
« Lorsque les conseils communaux arrêtent, conformément à la législation et aux règlements sur la police du roulage, des règlements en matière de stationnement relatifs aux stationnements à durée limitée, aux stationnements payants et aux stationnements sur les emplacements réservés aux titulaires d’une carte de stationnement communale ils peuvent établir des rétributions ou taxes de stationnement ou déterminer les redevances de stationnement dans le cadre des concessions ou contrats de gestion concernant le stationnement sur la voie publique, applicables aux véhicules à moteur, leurs remorques ou éléments. Cette loi n’est pas d’application pour le stationnement alterné semi-mensuel et pour la limitation du stationnement de longue durée ».

Il s’en suit que :

• les communes disposent du pouvoir d’adopter des règlements en matière de stationnement à durée limitée conformes à la législation en matière de roulage, et
• lorsqu’elles font usage de ce pouvoir, elles peuvent déterminer des redevances de stationnement.

Les sanctions liées notamment au non-respect des règles de stationnement à durée limitée, ont été dépénalisées

Les communes peuvent établir ces redevances en matière de stationnement payant. Cette possibilité est élargie au stationnement à durée limitée et aux emplacements de stationnement réservés aux riverains.

Une redevance peut ainsi être établie pour le temps supplémentaire d’occupation de l’emplacement de stationnement par un véhicule au-delà de la limite prévue.

En ce qui concerne la notion de redevance, celle-ci n’est pas utilisée comme un instrument de sanction mais bien comme la contrepartie d’un service rendu, à savoir la mise à disposition d’un emplacement de stationnement par la commune.

L’autorité communale veillera au respect de ses règlements en la matière. Ces tâches ne seront plus confiées aux services de police » (Doc. parl., Ch., sess. 2001-2002 (50e législature), n° 1915/001, p. 22 ; voir à ce sujet, B. Lombaert et M. Belmessieri, « Actualités de la gestion du stationnement dépénalisé », Rev. dr. comm. 2013/2, p. 3).

La Cour de cassation a considéré qu’il ressort de l’article 1er de la loi du 22 février 1965 permettant aux communes d’établir des redevances de stationnement applicables aux véhicules à moteur « que les communes ne peuvent mettre des places de stationnement à disposition moyennant une redevance que conformément à la législation et aux règlements sur la police du roulage. Les communes ne peuvent mettre à disposition des places de stationnement à des endroits où cette législation et ces règlements interdisent de stationner » (Cass., 16 février 2012, F.J.F. 2012, liv. 8, p. 845 ; Pas. 2012, liv. 2, p. 354).

Les communes ne peuvent par conséquent pas prétendre à une redevance de stationnement pour les véhicules qui se trouvent stationnés à ces endroits (Cass., 5 novembre 2010, A.P.T. 2011 (sommaire), liv. 1, p. 66 ; L.R.B. 2011 (sommaire), liv. 1, p. 35; Pas. 2010, liv. 11, p. 2905).

Le tribunal rappelle alors qu’en application de l’article 27.6. du Code de la route : « Le stationnement à durée limitée, visé aux points 27.1. et 27.2. ne s’applique pas aux véhicules en stationnement devant les accès de propriétés et dont le signe d’immatriculation est reproduit lisiblement sur ces accès ».

Une redevance de stationnement ne peut pas viser un véhicule stationné devant l’accès carrossable d’une propriété. Il est indifférent à cet égard que la plaque d’immatriculation de ce véhicule stationné soit reproduite lisiblement sur cet accès, ou non.

En effet, dans le premier cas, les règles de stationnement à durée limitée – et partant, la redevance de stationnement – ne s’appliquent pas en vertu de l’article 27.6. du Code de la route.

Dans le second cas, aucune redevance ne peut être appliquée, le stationnement étant interdit en vertu de l’article 25.1 du Code de la route

RAUWERS soutient que M. V.D. était stationné devant le numéro (…) de l’avenue Eugène Plasky et que son temps de stationnement autorisé (soit 2h à partir de 8h30) était dépassé.

M. V.D. le conteste et indique qu’il était au contraire parqué devant l’entrée de garage du numéro (…), et qu’il n’était dès lors pas soumis au Règlement communal en matière de redevances de stationnement.

RAUWERS fonde sa demande sur les constatations de ses agents telles qu’elles figurent sur le billet de stationnement.

Dans les circonstances de la cause, compte tenu des protestations plausibles de M. V.D. quant au risque d’erreur, ces constatations ne sauraient à elles seules suffire à prouver la matérialité des faits, à défaut d’être corroborées par d’autres éléments.

RAUWERS produit, à l’appui de ses allégations, trois photographies mais rien sur ces photographies ne permet cependant ni de les relier entre elles, ni de situer le véhicule de M. V.D. dans l’avenue Eugène Plasky : aucune prise de vue globale du véhicule n’a notamment été réalisée, pour attester que le véhicule de M. V.D. était bien devant le numéro (…).

Il ressort de ce qui précède que RAUWERS n’établit pas à suffisance de droit que le véhicule de M. V.D. était stationné devant le numéro (…), comme elle le prétend.

RAUWERS sera déboutée de sa demande.

En ce qui concerne la demande d’indemnisation de M. V.D. pour le préjudice matériel et le manque à gagner subis, le tribunal constate qu’en réclamant à tort à M. V.D. le payement d’une telle redevance de stationnement, et en persistant à le faire en dépit des contestations circonstanciées et fondées de ce dernier, RAUWERS a commis une faute.

M. V.D. a dû consacrer un temps considérable à assurer la défense de ses intérêts, tant avant l’introduction de la présente procédure qu’une fois celle-ci en cours, M. V.D. ayant comparu personnellement.

Ce dommage ne se serait pas produit tel quel si RAUWERS n’avait pas commis la faute qui lui est reprochée, et même s’il est difficilement évaluable, il n’en doit pas moins être réparé.

A défaut d’éléments plus précis, le tribunal allouera à M. V.D. la somme de 1.000 euro ex aequo et bono à titre d’indemnisation de son dommage matériel et du manque à gagner.

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