La presse s’est largement fait l’écho des arrêts de la Cour de Cassation du 13 décembre 2016 permettant de considérer que seraient illicite les amendes routières infligées depuis 2003. Qu’en est-il ?

La loi du 19 mai 2010 portant création de la Banque-Carrefour des véhicules met sur pied une banque de données des véhicules dénommé ” Banque-Carrefour des véhicules ” pour, notamment, assurer la traçabilité des véhicules et, d’autre part, identifier à tout moment leur propriétaire, le demandeur et le titulaire de leur immatriculation, afin de :

7° faciliter la recherche, la poursuite pénale et l’application des peines des infractions.

L’article 18 de cette loi prévoit, pour protéger la Vie Privée que si les spécifications techniques du véhicule visées à l’article 7, alinéa 2, 2°, sont accessibles sans autorisation préalable, l’accès aux autres données de la Banque-Carrefour nécessite une autorisation préalable du comité sectoriel.

Le Roi peut également déterminer, après avis du comité sectoriel, les cas dans lesquels une autorisation n’est pas requise.

L’objet de cette disposition est de protéger les données à caractère personnel définies comme toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable; est réputée identifiable une personne qui peut être identifiée directement ou indirectement.

Le Comité sectoriel auquel il est fait référence est, en effet le comité sectoriel pour l’autorité fédérale de la Commission de protection de la vie privée instauré par l’article 36bis de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à caractère personnel.

 

Constatant que la police n’a jamais sollicité cette autorisation et qu’aucune dérogation n’est prévue, la Cour de cassation dit pour droit que le fait que ce soit le travail de la police de constater des infractions routières ne les autorise pas à consulter la Banque Carrefour sans autorisation préalable du comité sectoriel.

La circonstance que les informations qui sont à l’origine des poursuites sont fondées directement ou indirectement sur des éléments obtenus de manière illicite, entraîne la nullité de l’instruction dans son ensemble, ainsi que la nullité des poursuites.

Le concluant est, par ailleurs, fondé à invoquer l’article 8 de la Convention, dont les dispositions pertinentes sont ainsi rédigées :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée (…)

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (…) au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, (…) ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

A défaut d’une loi autorisant les autorités à consulter la Banque-Carrefour des véhicules, les poursuites doivent être déclarées nulles.

Les informations et renseignements obtenus au moyen d’actes illégaux ou irréguliers sont illicites ou inadmissibles. L’illégalité ou l’irrégularité qui entache les constatations effectuées au cours d’un acte d’information ou d’instruction prive celles-ci de toute valeur probante et entraîne la nullité des preuves obtenues en leur suite (J. Hoeffler, Traité de l’instruction préparatoire en matière pénale, Courtrai, Editions administratives U.G.A., 1956, n° 92, p. 96)

Dès l’instant où il est établi qu’une infraction est à l’origine des preuves produites en justice, la procédure est viciée (F. Piedboeuf, «Réveil ou déclin des droits de la défense…», J.L., 1985, p. 665-672, spéc. p. 667.)

Reste à déterminer comment cette décision sera appliquée par les juridictions du fond au regard de la jurisprudence Antigoon.

 

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